C’est un bonheur qu’on avait oublié depuis trop longtemps que de pénétrer dans l’Auditorium du Louvre qui va se révéler à nouveau comme l’écrin acoustique idéal du concert de ce soir. Première surprise cependant : le programme qu’on nous a remis à l’entrée ne correspond pas à celui qu’on croyait venir entendre, un mélange d’œuvres de Mozart et de son contemporain français Henri-Joseph Rigel (1741-1799). Ce sera tout Mozart. Julien Chauvin s’en explique d’emblée. Depuis la fondation du Concert de la Loge en 2015, le violoniste et son ensemble ont beaucoup donné en matière de programmes originaux, de mises en miroir, de résurrection de répertoires, précisément ceux qui avaient été créés et/ou joués, comme les Symphonies parisiennes de Haydn, par le vénérable « Concert de la loge olympique » (1782-1789) à Paris, dont ils entendaient relever le nom – on ne reviendra pas sur les péripéties juridiques qui ont interdit à l’ensemble l’usage de l’adjectif « olympique » ! Bref Julien Chauvin et Le Concert de la Loge, dans le cadre d’une série d’enregistrements voués à Mozart, voulaient se faire plaisir en proposant un programme tout ce qu’il y a de plus conventionnel : ouverture, concerto, symphonie.
En l’occurrence ils ont aussi fait plaisir à un public nombreux et enthousiaste. Les accords initiaux de l’ouverture de Così fan tutte sonnent secs et brefs, le hautbois paraît bien timide, mais on apprécie que, dans l’Allegro qui suit, la formation ne confonde pas vitesse et précipitation, et nous offre une vraie ouverture de théâtre.
Avant d’aborder le Troisième Concerto pour violon de Mozart, Julien Chauvin rappelle que le jeune Wolfgang était aussi un virtuose de l’instrument. On emprunte au grand musicologue américain Robbins Landon (1926-2009) cette savoureuse description des cinq concertos conçus entre 1773 et 1775 : « Les dessins mélodiques s'y accumulent et les idées nouvelles s'y succèdent dans une parfaite insouciance de leur accord mutuel et de tout schéma formel. L'élégance incomparable de la conception et de la réalisation, la suavité de l'orchestration, qui a déjà l'éclat caractéristique des œuvres de la maturité, et la volupté de la pure mélodie séduisent immédiatement ».