Les Musiciens de Saint-Julien ont invité les Petits Chanteurs de Saint-Marc à célébrer les chants traditionnels de Noël à la Chapelle de la Trinité de Lyon : un ravissement pour les amateurs de Charpentier, Delalande, Daquin et Corrette et une découverte des noëls bressans, québécois ou poitevin.
Sages comme des images, les Petits Chanteurs de Saint-Marc (alias les Choristes) en chemises bleu ciel et chaussettes montantes jusqu’aux culottes attendent que leur chef lève le bras pour entonner « Douce nuit » a cappella, à trois voix, en français, puis en anglais. Leur son est beau, plein et clair, juste et bien articulé : les jeunes sont alertes et suivent la direction de Nicolas Porte avec un enthousiasme contagieux.
Le calendrier de l’Avent musical constitué par les Musiciens de Saint-Julien nous ouvre quatorze portes (logique : le mois de décembre est déjà avancé), derrière lesquelles se cachent de sublimes trésors baroques, réactualisés par les arrangements astucieux conçus par François Lazarévitch. Surpris, on apprend que les sources musicales de ce beau programme sont uniquement instrumentales. Il a fallu les réunir avec des textes différents, contenus dans les anciennes Bibles de Noël, pour leur part dépourvues de polyphonie : authentique travail de recréation d’un répertoire qui semble n’avoir attendu que cela.
On plonge donc corps et âme dans les XVIIe et XVIIIe siècles, découvrant les lignes mélodiques de Michel Corrette assortis aux textes populaires. Aussi apprend-on dans « Tous les bourgeois de Châtres » que les bergers possédaient un minimum de bon sens humain, puisqu’ils apportaient à Joseph et Marie de la soupe aux navets, agrémentée de lapins et perdreaux, alouettes, canards et cormorans rôtis. Un tout aussi délicieux prélude aux tympanon, cithare sur table, inaugure « Quand Dieu naquit à Noël », à deux voix. Le « Noël suisse » du même compositeur, avec son air souligné par un joueur de tambour, fait penser à un petit collègue de ce dernier, issu d’un noël plus connu… son patois est attachant, à la grammaire simplifiée et aux consonances germaniques, qui se révèlent lorsque l’énonciateur se présente à l’enfant Jésus : « C’est moi, qui ti fiens foir. »
La diversité linguistique est grande en effet dans ces témoignages de l’élan spirituel populaire. La musette de cour et le hautbois en ouverture disent l’effroi des bergers dans le « Noël poitevin » d’après André Raison et le « Noël bressan » selon Jean-François Dandrieu, sur l’air des Pèlerins de Saint-Jacques, écrits dans des patois différents encore de ce noël de Nicolas Saboly, « Bèn uorouso la neissènço », qu’on imagine franco-provençal ou occitan. La superbe voix d’Enea Sorini (aussi percussionniste et tympaniste), naturellement suave, en illustre toute la joie sereine, avant que le morceau ne tourne plus franchement à la danse.