C’est la rentrée à l’Orchestre de chambre de Paris : Lars Vogt et ses musiciens retrouvent leur public du Théâtre des Champs-Elysées autour d’un concert bizarrement intitulé « French boeuf de rentrée », qui n’a pourtant rien de français (les compositeurs présentés sont internationaux, les solistes aussi), et rien d’improvisé… Qu’à cela ne tienne : on se contente bien volontiers de ce concert festif, à la programmation hétéroclite, présenté par une Marina Chiche très à son aise en maîtresse de cérémonie.
Pour entraîner le public dans la fête, il faut de l’énergie : Lars Vogt fait donc jouer debout l’amusante Suite de danses issues de Platée de Rameau, prenant lui-même le tambourin. Si les cordes obtiennent des nuances éthérées dans les passages les plus doux, elles manquent de consonnes dans les sections plus rythmées ; ce sont donc les vents, dont les attaques et les trilles mordants insufflent une certaine espièglerie, qui donnent à la danse son caractère sautillant. A la confrontation des caractères des danses chez Rameau répond celle des airs d’opéra chez Hummel : dans son Potpourri pour alto et orchestre, le compositeur s’amuse à faire appel à Mozart ou à Rossini. Si l’orchestre est pour l’essentiel cantonné à un rôle d’accompagnement, on se régale avec l’alto de Timothy Ridout : soignant son émission nette et puissante, il fait preuve d’une grande aisance technique, inscrivant chaque fulgurance virtuose dans un phrasé global. Les progressions dynamiques construites sont simples et directes, tout en se référant clairement au caractère des airs d’opéra repris (notamment dans la section finale, inspirée de Tancredi de Rossini). On se prend à regretter de ne pas entendre l'œuvre plus souvent !
On ne peut pas en dire autant des Airs bohémiens de Sarasate qui suivent, véritable tube du répertoire pour violon. Marina Chiche en livre ici une version particulièrement tzigane : truffant la première section de glissades et usant sans vergogne d’un rubato très libre, elle donne l’impression d’inventer la mélodie tout en la jouant. La deuxième section, plus volubile, a beau mettre à rude épreuve le violon, dont les traits dans les aigus ne sont pas toujours impeccablement clairs, elle ressemble ici à une confrontation taquine entre la soliste et l’orchestre. Le résultat est particulièrement réussi !