Proposition forte par les Pianissimes ! Un grand panorama dramatico-musical sur ce qu’était Erik Satie, ce qu’il savait faire. La soirée était confiée à trois messieurs, le pianiste Frédéric Vaysse-Knitter, le ténor Jean Delescluse, et le conteur Bertrand Périer. D’aucuns se seront méfiés d’une performance qui allie texte et musique, et ils ont eu tort, car solidement mené, ça peut être rudement bien ; on avait là une réalisation musicale et scénique remarquable, car spontanée jusque dans le moindre détail.
Le concert est également occasion de redécouvrir un lieu, la célèbre Salle du Conservatoire, dont la scène surplombée d’une grande arche, les chandeliers et les fresques, nous précipitent immédiatement dans le plus faste XIXe siècle.
L’excellente idée d’un prologue exclusivement pianistique à ce qui termine comme un spectacle musical permet une approche progressive. Voici une musique qui déconcertera plus d’un interprète, ne serait-ce que par le déséquilibre technique : si ce n’est quelques traits ponctuels très exigeants, la difficulté tombe assez souvent au degré zéro. Pourtant, Frédéric Vaysse-Knitter nous donne un Satie léger, danseur et aérien (Valse-Ballet), parfois à la limite de l’inconsistance (2e pièce froide : Danses de travers). S’y ajoute le fait que le piano sur scène est admirablement choisi, un Steingraeber & Söhne aux timbres complexes. Fort de caractère dans les aigus et exquis jusque dans les graves, l’instrument (autant que le pianiste) donnera une 4e Gnossienne particulièrement réussie. Enfin, quelques morceaux sont là pour détromper ceux qui croient encore que Satie rime avec statique – Gymnopédies oblige ; le recueil Sports et Divertissements de 1914 en est, le pianiste y faisant preuve d’un jeu nerveux et admirablement orchestral.
Frédéric Vaysse-Knitter cultive un art de la simplicité et du dépouillement, ne visant qu'à mettre en évidence tel détail du texte, telle harmonie du compositeur, effaçant au mieux la personnalité de l'interprète. Malgré des débuts qui sonnaient un peu distants, le jeu gagne peu à peu en engagement et en invention, une impression qui semble liée aux œuvres elles-mêmes ; les lentes circonlocutions font peu à peu place aux piques d’humour.