À Paris au moins, le Concerto No. 1 pour violon de Karol Szymanowski et la Symphonie No. 7 dite « Chant de la nuit » de Gustav Mahler, sont rares au concert. De prime abord, on peut penser que ces deux œuvres n’ont pas grand chose en commun, hormis l’époque de composition, 1917 pour Szymanowski, et 1905 pour Mahler. En réalité, cette association originale s'est présentée comme une véritable mise en résonance qui, une fois de plus, fait honneur à la programmation de l’Orchestre Philharmonique de Radio France.
En effet, le premier concerto de Szymanowski est contemporain de sa troisième symphonie, elle aussi dite « Chant de la nuit ». Cette dernière utilise des poèmes persans traduits en polonais ; le premier concerto baigne également dans une ambiance très orientale. Plutôt que d’un concerto au sens classique du terme, il s’agit d’une symphonie en un seul mouvement avec violon obligé. L’intrication constante de la partie de violon avec un orchestre d’une grande richesse harmonique et rythmique, aux nombreuses couleurs, donne – au final – une œuvre changeante, raffinée et fluide. Vasily Petrenko, le jeune chef russe natif de Saint-Pétersbourg et déjà directeur apprécié des orchestres de Liverpool et d’Oslo, dirige cette œuvre complexe et foisonnante avec une apparente facilité et parvient à en faire ressortir les finesses aussi bien que les fréquentes ruptures. Baiba Skride s’immisce délicatement dans le tissu orchestral avec un jeu très poétique et d’une justesse sans faille, y compris dans les nombreux suraigus que comprend la partie de violon, et livre des pianissimi en apesanteur de toute beauté. À ces immenses qualités s’ajoute également un vrai sens de la ligne parfaitement en adéquation avec un rendu orchestral ciselé à merveille par Vasily Petrenko. De plus, cette petite demi-heure d’une musique décidément originale et touchante se déroule sans aucune chute de tension. Dès les premières mesures on y entend un Orchestre Philharmonique de Radio France des grands jours, une constante lorsqu’il est dirigé par de grands chefs, et les différents solistes rivalisent de finesse et virtuosité sans que jamais ne se perde la lisibilité d’une musique foisonnante. Les tutti sont sonores et pleins, mais jamais agressifs ni saturés, comme c’est parfois le cas dans cette salle. Et la toute fin de l’œuvre, qui sans conteste évoque l’Espagne de De Falla ou de Ravel, couronne avec rythme, passion et sensualité une œuvre décidément géniale dont on s’étonne qu’elle soit si rare au concert.
La septième symphonie de Gustav Mahler est elle aussi mal connue, voire mal aimée. Comme la Symphonie No. 5, elle est purement instrumentale et comprend cinq mouvements, deux grands mouvements, le premier et le dernier, encadrant un Scherzo lui-même placé entre deux intermèdes. Même si le sous-titre « Chant de la nuit » n’est pas de Mahler, l’ambiance tragique est telle que, de fait, il convient finalement bien à une œuvre qui reste une des plus sombres de son auteur. La septième symphonie de Mahler est rare au concert et on se souvient que Valery Gergiev et le London Symphony Orchestra avaient donné à Pleyel en mars 2008 une interprétation qui n’avait pas tout à fait convaincu.