La Grande Messe en Ut Mineur est la deuxième grande œuvre sacrée de Mozart, après le Requiem. Comme celui-ci elle est également inachevée, mais beaucoup plus aboutie de la main du compositeur car ne manquent que l'Agnus Dei et une partie du Gloria. L'interprétation sur instruments d'époque avec un effectif choral très réduit (seulement 26 chanteurs) en révèle toute l'admirable facture, surtout quand elle est servie par deux ensembles rompus à ce type d'interprétation et qui font corps depuis plus de 40 ans avec leur leader attitré, Sir John Eliot Gardiner, dirigeant à mains nues et par cœur un répertoire dont il maîtrise les moindres recoins tel un jardinier qui connaît le moindre des buissons de son jardin anglais.
Les English Baroque Soloists entament le programme par une 40ème symphonie de Mozart interprétée debout (sauf les cordes graves). Les premières minutes de l'Allegro initial surprennent tant cette musique est entrée dans la tête de beaucoup avec une interprétation "classique" à effectif plus important. Passée la nécessaire acclimatation à ces sonorités moins opulentes, on est frappé par la magnifique articulation et l'extrême dynamisme de cette interprétation. Gardiner imprime une tension très expressive, sans nervosité apparente.
L'andante est un peu moins convaincant, même si le faible effectif de cordes permet de mettre en valeur les superbes bois, qui se répondent de manière très homogène. Le menuet, enlevé de manière très volontaire par le chef avec des accents très marqués est néanmoins très dansant. Le finale enfin, très fiévreux mais parfaitement maîtrisé, conclut la célèbre symphonie avec une autorité triomphante, pareille à l'assurance d'un chef sûr de ses effets et de sa maîtrise de musiciens qui lui paraissent complètement inféodés.
En deuxième partie, avec la sublime Messe en Ut Mineur c'est le triomphe des voix. Le Monteverdi Choir, héros de cette soirée, est un choeur de solistes : l'entrée solennelle et hiératique du Kyrie est impressionnante par la puissance et l'homogénéité que déploient ces seulement 26 chanteurs et sans doute qu'à l'écoute en aveugle on jurerait qu'ils sont au moins le double. Deuxième excellente surprise de ce début de messe, la magnifique et rayonnante Amanda Forsythe qui, dès son entrée dans le Christe, et malgré des tempi alanguis, se joue sans aucun effort apparent de la virtuosité et des redoutables écarts de tessiture de ce rôle écrit pour Constance Weber, qui allait devenir l'épouse Mozart et l'interprètera à la création de l'œuvre.