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Cassard rencontre Norrington : happening musical autour d’un fauteuil de bureau

By , 02 May 2016

On attendait avec impatience le retour de Philippe Cassard dans le rôle-titre du Keuchel 482 de Mozart. Avec raison, quel triomphe ! Au pupitre, Sir Roger Norrington : figure socratique, la désinvolture du geste et la puissance du vrai, dans toute son intelligibilité. Grâce à lui, « l’Ours » de Haydn, monté à cru, retrouve toute sa vigueur et l’insatiable 1ère Symphonie de Mendelssohn s’offre quelques heureux coups de bistouri.

Jamais l’Ours de Haydn n’a couru aussi vite, dansé aussi lestement ! Voici une 82ème Symphonie irréprochable, mise en scène plus que dirigée, propulsée par d’incessants rebondissements. Pour l’occasion, le chef a mobilisé une escouade d’élite : quarante musiciens du Philhar', l’unité vibrante d’un quatuor. Si l'on voulait schématiser à l'extrême, on pourrait dire que Sir Roger se contente de titiller, flatter la croupe, ou de donner quelques coups d’étrier bien placés… Car nulle battue mais une approche avant tout dialoguée : le chef pivote sur une chaise dactylo, interroge du regard, ou lance d’imaginaires répliques. Dans le Finale, marqué vivace, une basse de musette (l’ours ?) est violemment tirée du lit par les violons. Peu s’en faut pour que la salle applaudisse en rythme — c’est déjà le cas entre les mouvements. Gage d’authenticité ? Norrington aligne les saynètes sans souci de continuité : initiative bienvenue dans « l’Ours », discutable cependant dans Mozart et Mendelssohn.

Philippe Cassard, qui s’apprête à entamer une cure à base de concertos de Mozart (il va jouer les 14, 15 et 16ème avec l’OCP le 4 avril prochain) nous propose une lecture du 22ème qui n’a pourtant rien de diététique. Ce soir, chef et soliste se font face comme pour débattre, le piano faisant figure de médiateur. Désormais chef de bande, bras dessus bras dessous avec les musiciens, Norrington amorce la centaine de mesure de l’introduction. Copieuse jaculation qui en annonce le caractère pléthorique. Philippe Cassard joue au ras du texte et du clavier : main droite délicieusement diserte, jouissance de la pression du doigt sur la touche, maîtrise du son suscité. Pour autant, ce Mozart ne sera pas pour l'écoute distraite ; il phrase long, met en lumière, force l'attention sur les voix secondaires (notamment à la main gauche).

Une fois n’est pas coutume, l’Andante pousse un cran supplémentaire la recherche esthétique. Norrington y imprime la direction et la mobilité implacable d’un train en marche. Purgatoire tout entier arqué vers la lumière (ce majeur amené par le pupitre de bois, sur d’admirables doubles de clarinette), habité dans sa vitesse, délivré de toute minauderie. Philippe Cassard laisse de côté la « matière dure » du chant. Le son paraît se liquéfier dans un parlando-rubato qui procède de sa propre harmonie. Saluons la largesse des oppositions dynamiques (ces sublimes effacements en fin de phrase), la splendeur des thèmes (notamment l’énoncé de l’Allegro), l’insolence perlée de ces cadences « faites maison » et leurs clins d’œil répétés au répertoire.

En bis, une K. 545 qui atteint au sublime. Philippe Cassard ne trivialise pas cet opus prétendument facile, mais lui accorde toute son attention. Trois minutes, mais une formidable leçon de piano, dans une unité de conception proprement stupéfiante.

Après l’entracte, la 1ère Symphonie op. 11 de Mendelssohn. Sans cesse heureux de nous proposer des surprises stylistiques, Norrington a recours à des phrasés on ne peut plus baroquisants, émoussant les attaques des cordes pour leur insuffler une seconde vie. Mais l’on ne saurait demeurer tiède face à ce punch, cette énergie qui tirent sur les lignes sans les déchirer. Sans céder à l’emportement (jamais le tempo ne presse), sans non plus tomber dans l’ornière académique, Norrington libère chaque intention avec une clarté remarquable. Il ne refuse pas pour autant l’expressivité ou l’éclat (le timbalier tombe à pic, à chaque fois). Peintre de l’urgence (cet Allegro con fuoco), de l’imminence (explorations pp du Menuetto), Norrington est également maître de l'humour. En témoignent les mesures finales più stretto, aux airs de Looney Tunes, remballant fissa la marchandise avant de l’envoyer dans les airs ! Et quel sens de la gradation dans les accords finaux ! Merci mille fois, messieurs !

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“Jamais l’Ours de Haydn n’a couru aussi vite, dansé aussi lestement !”
Reviewed at Maison de la Radio et de la Musique: Auditorium, Paris on 30 April 2016
Haydn, Symphony no. 82 in C major "The Bear”
Mozart, Piano Concerto no. 22 in E flat major, K482
Mendelssohn, Symphony no. 1 in C minor, Op.11
Philippe Cassard, Piano
Sir Roger Norrington, Conductor
Orchestre Philharmonique de Radio France
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