On attendait avec impatience le retour de Philippe Cassard dans le rôle-titre du Keuchel 482 de Mozart. Avec raison, quel triomphe ! Au pupitre, Sir Roger Norrington : figure socratique, la désinvolture du geste et la puissance du vrai, dans toute son intelligibilité. Grâce à lui, « l’Ours » de Haydn, monté à cru, retrouve toute sa vigueur et l’insatiable 1ère Symphonie de Mendelssohn s’offre quelques heureux coups de bistouri.
Jamais l’Ours de Haydn n’a couru aussi vite, dansé aussi lestement ! Voici une 82ème Symphonie irréprochable, mise en scène plus que dirigée, propulsée par d’incessants rebondissements. Pour l’occasion, le chef a mobilisé une escouade d’élite : quarante musiciens du Philhar', l’unité vibrante d’un quatuor. Si l'on voulait schématiser à l'extrême, on pourrait dire que Sir Roger se contente de titiller, flatter la croupe, ou de donner quelques coups d’étrier bien placés… Car nulle battue mais une approche avant tout dialoguée : le chef pivote sur une chaise dactylo, interroge du regard, ou lance d’imaginaires répliques. Dans le Finale, marqué vivace, une basse de musette (l’ours ?) est violemment tirée du lit par les violons. Peu s’en faut pour que la salle applaudisse en rythme — c’est déjà le cas entre les mouvements. Gage d’authenticité ? Norrington aligne les saynètes sans souci de continuité : initiative bienvenue dans « l’Ours », discutable cependant dans Mozart et Mendelssohn.
Philippe Cassard, qui s’apprête à entamer une cure à base de concertos de Mozart (il va jouer les 14, 15 et 16ème avec l’OCP le 4 avril prochain) nous propose une lecture du 22ème qui n’a pourtant rien de diététique. Ce soir, chef et soliste se font face comme pour débattre, le piano faisant figure de médiateur. Désormais chef de bande, bras dessus bras dessous avec les musiciens, Norrington amorce la centaine de mesure de l’introduction. Copieuse jaculation qui en annonce le caractère pléthorique. Philippe Cassard joue au ras du texte et du clavier : main droite délicieusement diserte, jouissance de la pression du doigt sur la touche, maîtrise du son suscité. Pour autant, ce Mozart ne sera pas pour l'écoute distraite ; il phrase long, met en lumière, force l'attention sur les voix secondaires (notamment à la main gauche).