A l’occasion de la soirée « Anne Teresa de Keersmaeker », entrent au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris trois œuvres de jeunesse de la chorégraphe belge : Quatuor n°4 (1986) sur la musique de Béla Bartók, Die Grosse Fuge (1992), sur la partition de l’opus 133 de Ludwig van Beethoven, et Verklärte Nacht (1995) sur le morceau éponyme d’Arnold Schönberg. Cette soirée représente un véritable temps fort musical, avec trois compositions emblématiques du principe chorégraphique qui a caractérisé les travaux d’Anne Teresa de Keersmaeker : celui de tisser un lien logique entre la musique et la danse qui en découle.
Selon de Keersmaeker, « la musique est là comme un point de provocation de la chorégraphie ». Quatuor n°4, Die Grosse Fuge et Verklärte Nacht ne s’arrêtent donc pas à une simple mise en harmonie de la musique et de la danse, mais sont de véritables transpositions chorégraphiques de la partition, cartésiennes et méticuleuses. Ce programme ramène donc les œuvres de Bartók, Beethoven et Schönberg au centre de la démarche artistique et illustre, par la danse, la complexité des techniques orchestrales.
En concevant le Quatuor n°4, Anne Teresa de Keersmaeker met en lumière la fraîcheur et la féminité de l’œuvre de Béla Bartók, composée en 1929. La chorégraphe dirige d’emblée l’attention vers les musiciens, disposés au centre de la scène, sous un éclairage intime. Quatre danseuses les rejoignent, fébriles et légères. Leurs jupes à volants, effets de cheveux et petits sauts évoquent la vitalité adolescente des phrases jouées par les cordes. La chorégraphie de groupe symbolise l’unisson tonal du quatuor et se structure à l’image de la partition de Bartók, selon une arche en cinq mouvements symétriques. Dansée par de jeunes interprètes du Ballet de l’Opéra de Paris, Laura Bachman, Charlotte Ranson, Juliette Hilaire et Sae Eun Park (cette dernière étant en léger retrait), la chorégraphie du Quatuor n°4 donne une réelle profondeur à la musique de Bartók, révélant l’audace de son orchestration et l’enthousiasme de sa mélodie.