Les concerts de Grigory Sokolov sont toujours un moment particulier, pour beaucoup transcendant. Les Grands Interprètes ne s’y trompent pas et invitent désormais régulièrement le maître russe depuis de nombreuses années (notamment en 2016 et 2018). Dans la programmation de la saison toulousaine 2019-2020, il occupe une place importante, avec une soirée s’articulant autour des figures de Wolfgang Amadeus Mozart et Johannes Brahms.
Le pianiste lance la première partie de la soirée avec la Fantaisie et Fugue en ut majeur K. 394 du premier nommé, préfigurant en quelque sorte la thématique de la soirée. Les premiers accords arpégés et doux sont très chargés d’émotion, la chevauchée facile, la pédale peu utilisée mais tout de même présente, soulignant par exemple l’exposition du sujet de la fugue : en bref, le jeu s’approche d’une exécution classique sur pianoforte par la délicatesse du toucher, tout en intégrant également, sans excès, l'expressivité large du romantisme. Cette douceur est reprise au début de la Sonate n° 11 K. 331 avec le balancement de la sicilienne de l’« Andante grazioso ». Un rubato extrêmement léger vient marquer les fins de phrases. Les mains du virtuose rebondissent sur le clavier au fur et à mesure des variations savantes du thème, toujours chantant mais jamais trop forte.
Dans le menuet, les attaques sont progressivement plus marquées, plus incisives. Le célèbre rondo « alla Turca » est pris dans un tempo étonnamment calme, toujours avec une subtile souplesse de la ligne mélodique. Avec le changement d’œuvre et l’arrivée du Rondo n° 3 en la mineur K. 511, le virtuose ajoute un pathos mesuré, grâce à un rubato plus expressif et des articulations plus marquées. La partie centrale du morceau est un véritable discours vibrant et délicat, connexion parfaite avec ce qui va suivre. Le finale captive et fige la Halle aux Grains pendant quelques secondes.