« Il faut chasser les psychanalystes des théâtres, et de Bayreuth en particulier ! » Cet aveu d'une voisine un peu bavarde en dit long sur le climat de tensions qu'institue l'expectative de chaque nouvelle production sur la colline verte. Hier dans L'Or du Rhin, le ton avait été donné par le metteur en scène Valentin Schwarz : drame transgénérationnel, enfants traumatisés... Comment cette vision très freudienne de la Tétralogie allait-elle englober la populaire Walkyrie, et ses multiples symboles au fort potentiel psychanalytique ?
Dans les grandes lignes, la métaphore filée suit son cours : Hunding et Sieglinde habitent une maison très suburbs. Le premier, flic rentré tard du travail et découvrant que la tempête a fait s'effondrer un arbre sur sa maison, s'acharne sur la seconde, véritable Desperate Housewife bavaroise. Au Valhalla, les dieux sont réunis auprès du cercueil (blanc, comme il se doit) de Freia dans une mise en scène très WASP. Les Walkyries, elles, s'enduisent de crèmes de beauté, font des masques purifiants et Brünnhilde, maquillée comme une voiture volée, se fait photographier par Grane (sa monture, personnifiée pour l'occasion).
Entre les lignes, les énigmes posées la veille s'éclaircissent également. Le mystérieux cube de pouvoir récupéré par Wotan à la fin de L'Or du Rhin, ressemblant à s'y méprendre au Tesseract des films Marvel (l'imaginaire américain, encore et toujours) abrite en fait un revolver, Notung de circonstance que brandit Siegmund pour affronter Hunding. La continuité discrète des symboles est également assurée : « l'enfant-Ring » du Rheingold portait un Rubik's Cube autour du cou, on en retrouve un semblable près de Wotan dans le deuxième acte.
Là où le contrat scénique s'essouffle, c'est dans les tentatives comiques du metteur en scène. L'Or du Rhin s'y prêtait bien volontiers ; c'est moins le cas de La Walkyrie, à la charge tragique inévitable. Ces Walkyries sorties d'une émission de relooking font sourire, mais elles rendent pathétique le troisième acte, lorsqu'elles protègent leur sœur du courroux de Wotan. Les panneaux mobiles, véritable signature de la mise en scène, sont toujours aussi beaux, mais constituent une entrave aux chanteurs qui, pour des besoins de projection, ne peuvent évoluer qu'au bord de ceux-ci, ce qui limite considérablement les possibilités de jeu, compressant l'espace scénique en une toile en deux dimensions. On imagine bien que ce genre de détail, constaté au moment des répétitions, a été réglé dans l'urgence et ne constitue pas de réel choix de mise en scène.