Actuellement à l’affiche de l’Opéra de Marseille dans Il Barbiere di Siviglia, la mezzo-soprano française Stéphanie d’Oustrac nous parle de sa vision de Rosina qu’elle interprète pour la deuxième fois. L’entendre dans ce répertoire est un privilège rare car son tempérament artistique et sa voix l’ont initialement conduit vers le répertoire baroque, Mozart, et l’été dernier, à Aix, vers une Carmen mémorable. C’est en effet dans le répertoire français qu’elle se plaît notamment à traverser les époques musicales pour souligner avec talent la musicalité de la langue française. Que vient donc faire Rossini dans cette brillante carrière ? Nous n’avons pas résisté à l’envie de lui poser la question.
Avez-vous avez beaucoup chanté Rossini ?
Pas vraiment. Lorsque j’ai passé mon prix au conservatoire j'ai chanté l’air de Rosine, et on me prédestinait en effet plutôt à une carrière rossinienne. J’ai la voix facile, légère. Mais le fait d’avoir auditionné pour William Christie avant même de sortir du conservatoire m’a menée vers le baroque. Ce répertoire m’a happée. Puis, j’ai abordé Mozart, l’opérette...
Cela vous a manqué ?
Dans le travail vocal, probablement ; ainsi que dans le plaisir des vocalises et du chant. Le problème de Rossini reste tout de même les histoires et les personnages. Plus jeune, je me serais peut-être davantage sentie en adéquation avec les personnages. Maintenant, psychologiquement c'est plus dur, je me retrouve tout de même à penser comme si j’étais ma fille !
Quand a eu lieu votre prise de rôle de Rosine ?
En 2012, à Bordeaux. Mais pour ces représentations marseillaises, il s’agit presque d’une nouvelle prise de rôle, du fait que je ne l’ai pas chanté entre-temps. J’ai l’impression - un peu - de devoir reconstruire le rôle.
Ce répertoire est un exercice vocal et musculaire très particulier. Le style est très différent de celui que je fais d’ordinaire. Je chante beaucoup de répertoire français, notamment Carmen, où la vocalité est beaucoup plus en « lignes ». Avec Rossini on est dans la vocalité pyrotechnique, dans quelque chose de très léger.
Avec Rosine je peux travailler le souffle et l’agilité de manière différente. C'est un bonne chose. Il est très important d’aborder divers répertoires, sinon les muscles ne vont que dans un sens. Et je suis la première étonnée de me sentir relativement à l’aise dans ce répertoire compte tenu du fait que je le chante très peu.
Quelles sont les principales difficultés du rôle ?
Il s’agit d’avoir de l’endurance au niveau du souffle. Déjà, sans bouger, cette musique est difficile, mais avec la mise en scène, et de surcroît celle de Laurent Pelly, la difficulté est multipliée. Il faut bien répeter les gestes pour que le corps s’habitue et que les mouvements deviennent des réflexes physiques.
Qu’en est-il de la personnalité de Rosine ?
Elle est jeune, rebelle face à ce qu’on essaie de lui imposer. Elle est relativement moderne. Je cherche à lui donner du caractère.
Dans cette production où les chanteurs évoluent placées sur une partition de musique, il y a toute une dimension graphique et visuelle à prendre en compte lorsque l’on est sur scène. Il s’agit de rentrer dans cette esthétique particulière.
Pensez-vous, parfois, à la future Comtesse délaissée que Rosine va devenir par la suite ?
Je pense que ce serait plutôt lorsque l’on chante la Comtesse qu’il faut se souvenir de ce que Rosine a été ! Forcément, quand on est jeune, quand on démarre une relation, on n'a que des envies, des espoirs, quitte à se cogner contre un mur. Cette impulsion de la jeunesse me plaît.
Pelly, Castellucci, Carsen, Tcherniakov… Vous aimez les metteurs en scène avec une identité artistique forte ?
J’ai la chance que les directeurs de théâtre se disent : « avec Stéphanie, je pense que ces metteurs en scène vont pouvoir travailler ». Lorsque les metteurs en scène ont des idées fortes, il faut que les chanteurs puissent répondre. Et cela m'intéresse de rentrer dans leur monde, quel qu’il soit.