A l’occasion des 250 ans de la disparition de Jean-Philippe Rameau, le Centre de Musique Baroque de Versailles coordonne dans le monde entier la célébration de l’immense compositeur baroque – à travers opéras, concerts, et conférences. L’ouverture officielle de l’année Rameau avait lieu le 13 février à l’Opéra Royal de Versailles, avec la recréation de l’opéra-ballet Les Fêtes de L’Hymen et de l’Amour, en version de concert, par le Concert Spirituel d’Hervé Niquet ; la production a été reprise à l’identique au Théâtre des Champs-Elysées. Retour sur une très belle découverte.
La création des Fêtes de l’Hymen et de l’Amour s’est tenue à Versailles en 1747. Initialement ballet héroïque intitulé Les Dieux d’Egypte, l’œuvre avait été choisie pour prendre place parmi les festivités organisées à l’occasion du mariage du dauphin Louis (fils de Louis XV) avec Marie-Josèphe de Saxe. Pour faire le lien avec l’événement princier, Rameau avait alors ajouté un prologue mettant en scène la réconciliation de l’Hymen et de l’Amour pour en faire un opéra-ballet. La cour avait beaucoup apprécié cette œuvre de Rameau, qui n’avait pas été redonnée depuis 1776.
Les Fêtes de l’Hymen et de l’Amour puisent leur sujet dans la mythologie égyptienne. Le librettiste Cahusac ne cherche pas le réalisme ; au contraire, il s’appuie sur un cadre exotique quelque peu artificiel pour instaurer un climat merveilleux, dans l’esprit de l’opéra du XVIIIe siècle. Outre le prologue, les trois entrées (une entrée équivalant à un acte) mettent en scène des intrigues indépendantes, reliées par le thème de l’amour. La première entrée présente la séduction de la reine des Amazones Orthésie par l’égyptien Osiris, d’abord son ennemi ; la seconde évoque la nymphe Memphis, délivrée du sacrifice par le dieu Canope épris d’elle et qu’il avait conquise en prenant une apparence humaine ; la troisième se déroule au milieu des jeux artistiques en l’honneur d’Isis, prétexte à une déclaration d’amour mutuelle entre le dieu des arts Aruéris et la nymphe Orie.
Hervé Niquet, grand spécialiste de la musique baroque et promoteur de pièces oubliées du répertoire, semblait tout destiné à reconstituer Les Fêtes de l’Hymen et de l’Amour, avec l’ensemble (orchestre et chœur) qu’il a fondé en 1987, le Concert Spirituel. Sans baguette ni estrade, le chef a pris plaisir à offrir une représentation pleine d’allant. Sa direction énergique, caractérisée par des gestes très amples, ne l’a pas empêché de jouer la comédie : entre ses balades à droite et à gauche pour se rapprocher d’un pupitre plus sollicité, ses déhanchements suivis d’œillades significatives à un public amusé, ses lectures expressives des indications scéniques au début de chaque entrée, Hervé Niquet a su allier rigueur de la construction musicale et légèreté rieuse propre à l’esprit de l’opéra ramiste.