L’Acis de Haendel tel que nous le connaissons est le fruit de plusieurs remaniements de 1708 à 1739, aux cours desquels l’œuvre est passée de cinq à huit chanteurs. Ce petit opéra en deux actes conte les amours du berger Acis et de la nymphe Galatée menacées par la jalousie du cyclope Polyphème. Le berger sera hélas victime du fatal lancer de rocher du monstre et transformé en fleuve pour l’éternité.
Délaissant ses chères formations baroques pour cette soirée du 21 mai, Leonardo García Alarcón dirige l’Orchestre Philharmonique de Radio France auquel il donne toutes les clés du style haendélien, style qui échappe en partie à un pupitre de basses parfois routinier. Pour animer un discours où manquent les outils expressifs des instruments anciens, le chef argentin multiplie les changements de pulsation, des ralentis originaux très contrôlés, un éventail de nuances fascinant et inédit. Les flûtes à bec brillent dans des épisodes solistes très ornementés, le hautbois d’Olivier Doise charme autant par sa virtuosité que par son attention à la couleur lorsqu’il double la voix dans l’air « As when the dove ». D’un goût parfait, les cadences de la violoniste Ji-Yoon Park savent convaincre, son duo avec la flûte à bec ne manque pas de caractère.
Julie Roset campe une Galatée au timbre gracieux et juvénile, les vocalises sont impeccables, quelques cadences dans l’aigu magnifiquement réalisées, la musicienne compense le médium encore peu timbré par un art du verbe convaincant. Face à ce rossignol charmant, l’Acis de Mark Milhofer présente au début du concert un timbre un peu engorgé qui s’épanouira dans la deuxième partie de l’œuvre. Le martial « Love sounds th’alarm » dévoile une voix de ténor à l’égalité parfaite, une élégance de phrasé remarquable qui culmineront dans un émouvant récitatif final, la salle retiendra son souffle pendant ces pianissimos admirablement soutenus.
Aux côtés des deux héros, le ténor Fabio Trümpy est particulièrement à l’aise dans l’air de Coridon doux et pensif « Would you gain the tender creature », quand son homologue Valerio Contaldo dans un genre plus brillant est un Damon solide aux vocalises parfaitement conduites. Présents également dans le chœur, ces chanteurs sont rejoints par le contre-ténor Leandro Marziotte et la basse Matthieu Heim qui apportent une belle cohésion au difficile « Wretched lovers » auquel Alarcón impose de très vifs changements de caractère et de pulsation. La soprano Ana Vieira Leite contribue à la lisibilité du chœur initial « O the pleasure of the plains » et fait entendre un timbre rond et un aigu très libre. Enfin, combinant habilement truculence et précision du détail dans le rôle de Polyphème, la basse Staffan Liljas possède l’agilité nécessaire au célèbre « O ruddier than the cherry » et l’autorité sauvage pour le trio « Torture, fury » auquel Alarcón applique de nouveau un rubato risqué mais très efficace. Habile metteur en scène du discours baroque, le chef argentin bouscule une fois encore nos habitudes d’écoute mais sait imposer son point de vue par une irréprochable qualité de réalisation.
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