C’est bientôt Noël… À cette occasion, trois versions de l’Oratorio de Noël de Bach sont proposées à Paris en l’espace d’une semaine - rien que ça ! Samedi 20 décembre, cette œuvre de circonstance sera donnée respectivement à la Chapelle Royale de Versailles et au Théâtre des Champs-Élysées. Mais la première interprétation est offerte à la Cité de la Musique : mercredi 17 décembre pour les cantates I, II et III (le concert dont parle cet article) et jeudi 18 décembre pour les cantates IV, V et VI. Pour cette version inaugurale, le Kammerorchester Basel, mené par son premier violon Julia Schröder, accompagne les quatre chanteurs solistes et le Deutscher Kammerchor. Une soirée prometteuse… Malheureusement, la musique de Bach n’a pas été restituée avec la ferveur qui lui aurait convenu, et pourtant aucune faute grave ne peut être imputée aux artistes. Retour sur un semi-échec regrettable.
L’Oratorio de Noël (1734-1735) n’est pas une composition originale de Bach : au niveau musical, chaque passage constitue en réalité un remploi, emprunté à l’une ou l’autre des cantates profanes inventées par le compositeur quelques années auparavant. Le texte chanté s’inspire des Évangiles de Luc (parties 1 à 4) et de Matthieu (parties 5 et 6) : le matériau poétique des arias et certains éléments de récitatif seraient dûs au librettiste de Bach (Picander), les chorals à d’autres grands poètes (Luther, Franck et Gerhardt).
L’œuvre comporte six cantates, qui relatent chronologiquement la naissance du Christ et les événements qui s’ensuivent (visite des bergers et des mages, crainte d’Hérode). Elles sont découpées tout naturellement en chœurs, récitatifs et airs... une structuration rigoureuse, fondée sur la répétition et la narration, qui requiert une dynamique particulière pour faire sens. Dès le premier choral, la particularité de l’ensemble se remarque nettement, dans le mauvais sens : pas de chef d’orchestre, c’est le premier violon Julia Schröder qui anime les instrumentistes et les choristes. On l’a souvent vu pour des orchestres de taille réduite, surtout en musique baroque ; cependant, dans ce cas précis, la direction de la violoniste est vraiment trop effacée. D’un coup de tête et d’archet, elle se contente d’indiquer à ses collègues le tempo au début de chaque section, mais ne transmet aucune réelle impulsion aux autres musiciens qui réalisent ensuite leur partie avec rigueur, certes, mais sans âme. Alors que l’écriture de Bach privilégie la nuance la plus subtile afin de traduire l’expression de foi la plus profonde, la façon dont joue le Kammerorchester Basel engendre un discours lisse, plat, très joliment fait et malgré tout ennuyeux. Impossible de deviner que c’est de l’arrivée du Sauveur sur terre qu’il s’agit - ni plus ni moins le fondement dans la religion catholique, soit en théorie la source de joie la plus grande pour le peuple de Dieu.