En 2018, le directeur musical de l'Orchestre Philharmonique de Radio France, Mikko Franck, instaura une tradition, très courante dans la sphère scandinave ou germanique, pour commencer l'an nouveau : jouer la Neuvième Symphonie de Beethoven. Sept ans plus tard, c'est à son successeur désigné à partir de 2026, le Néerlandais Jaap van Zweden, que revient cette mission.
Ne tournons pas autour du pot : on ne voit pas ce qu'il y a à sauver dans une exécution – dans la double acception du terme – qui a semblé cumuler tous les défauts possibles. On ne doute pas que van Zweden soit un chef averti, un technicien sûr, mais Beethoven et cette Neuvième en particulier demandent tout de même autre chose qu'une lecture hâtive, sans perspective ni profondeur, qui pourrait se résumer au slogan « plus sec, plus vite, plus fort ».
On est fixé dès l'entame du premier mouvement, cet impressionnant Allegro construit « comme un seul immense développement, la trajectoire sans déviation, irréversible, d'un météore incandescent » (André Boucourechliev). Le frémissement initial des cordes, l'incertitude tonale, évoquant la naissance d'un monde ? Le chef évacue d'emblée tout mystère, les cordes sonnent rêche, la battue est verticale, sommaire. La poésie s'annonce mal... et l'on ne comptera pas les pains et couacs à l'arrière de l'orchestre.
Tous les chefs qui se sont affrontés à cette Neuvième savent et disent que ce premier mouvement est redoutable, d'abord en termes d'équilibres sonores entre les pupitres de cordes et de vents : il faut à tout moment doser la puissance des uns, faire ressortir la ligne des autres, sans quoi l'auditeur perd le fil du discours. On a l'impression ce soir que tout sonne sur le même plan, sec, étriqué, aucune phrase n'est menée à bout, l'important pour le chef semble être d'avancer coûte que coûte sous une battue péremptoire, rectiligne. Les vents sont inaudibles, à l'exception des cors qu'on entend toujours trop fort. La « trajectoire » qu'évoque Boucourechliev suppose une vision, un souffle, une puissance pour unifier la diversité des épisodes qui constituent cet Allegro. On les cherchera en vain.