Mikko Franck et l'Orchestre Philharmonique de Radio France étaient invités à la Philharmonie de Paris pour un concert américain en l'honneur du centenaire de la naissance de Leonard Bernstein. Un programme fort de modernisme et de métissage qui caractérise la nation cosmopolite, avec juste un salut à la culture française en introduction et des invités de renom.
Le concert s'ouvre sur la suite de Pelléas et Mélisande de Fauré, pour prendre ses marques avec un style que les orchestres français connaissent parfaitement. On le ressent dans le jeu des musiciens, maîtrisé mais souple, comme dans la direction de Franck. L'aisance est telle qu'il laisse la partition, limpide comme un ruisseau, couler du début jusqu'à la fin, à travers ces gestes fluides et ronds dont il a le secret. Rien n'est bâclé, seul un ensemble sûr peut délivrer cette musique avec tranquillité et profondeur. Les solistes se démarquent par des sons aériens, comme le flûtiste Thomas Prévost dans le troisième mouvement (« Chanson de Mélisande ») ou la violoniste solo Ji-Yoon Park, tout simplement brillante. C'est un très beau tableau qui nous est offert, plein de poésie et d'émerveillement amoureux, un clin d’œil à l’œuvre de Bernstein à venir.
Le programme américain démarre avec la création française du Double concerto pour violon et violoncelle de Philip Glass. Un défi pour beaucoup de raisons. La musique répétitive est tellement à part et ancrée dans la culture américaine que les oreilles européennes y sont peu habituées, même si certains l'apprécient pour son harmonie tonale et sa dimension cinématographique, Glass ayant composé pour plusieurs films bien connus. Ici, les rondes infinies qui s'accumulent en strates peuvent rapidement sembler longues et faire perdre le fil de la musique.
La partition n'est pourtant pas à mettre en cause ce soir. L'interprétation de l'orchestre n'est pas la plus judicieuse. On reste dans des nuances légères avec peu de mordant, ce qui floute l’œuvre et ses rouages. On note beaucoup de désynchronisation entre les pupitres, qui se perdent à plusieurs reprises par rapport aux solistes. En première ligne, la violoncelliste Giedrė Dirvanauskaitė tient la barre avec aplomb. Elle est la plus solide sur scène, son timbre sombre et lyrique sied à la musique. A ses côtés se tient le très fameux violoniste Gidon Kremer, à qui l'on doit de grands enregistrements d’œuvres modernes comme classiques. Alors qu'on attend beaucoup de lui, Kremer n'est pas un exemple d'excellence : son violon crisse souvent, ne projette pas assez et ses doubles cordes sont fausses à plusieurs reprises. Il semble peiner avec le tempo et sème la confusion dans l'orchestre plus d'une fois. On regrette le confort avec lequel les musiciens avaient traversé la pièce précédente.