Ce n’était pas à une énième exécution du Requiem Allemand de Brahms qu'était convié ce soir-là à la Cité de la Musique un public malheureusement un peu trop confidentiel. En effet, il s’agissait de la rare version pour piano à quatre mains, et surtout cette représentation bénéficiait d’une scénographie de Jochen Sandig/Sasha Waltz et Guests. Un spectacle parfaitement abouti, d’une réalisation exemplaire, d’une beauté chorale à couper le souffle et d’une très riche émotion contenue qui font honneur au Rundfunkchor Berlin, on le sait très engagé dans la diffusion et le renouvellement de l’abord de la musique chorale.
Ainsi, dès son arrivée le spectateur était invité à abandonner ses chaussures et ceux qui acceptaient de jouer le jeu rejoignaient la salle, pour l’occasion débarrassée de ses fauteuils. Ceux et celles qui préféraient avoir une vue plus générale de la représentation étaient invités à s’asseoir au balcon. Une fois dans la salle le spectateur, libre de ses mouvements, pouvait s’asseoir, rester debout, voire s’allonger, ou se déplacer au milieu des présents parmi lesquels, habillés comme tout un chacun, se trouvaient…les chanteurs du chœur berlinois ! On remarquait aussi d’un côté un pupitre surélevé, en face une estrade, au plafond deux groupes de cordes attachées et aussi sur l’estrade une femme allongée, toute de blanc vêtue et semblant inanimée ! Une fois l’ensemble du public installé, la musique pouvait commencer dans une obscurité presque totale.
Dès le premier accord du chœur sur le mot « Selig » (Bienheureux), on était à la fois saisis et conquis par la perfection de l’intonation, la polyphonie parfaitement équilibrée, une magnifique nuance pianissimo, le tout emportant d’emblée l’adhésion. Une adhésion qui ne souffrira aucune baisse de tension pendant ces 50 minutes au plus haut niveau musical et émotionnel. Durant le premier mouvement, les chanteurs tout en errant parmi le public, sollicitent les regards des spectateurs, sans doute pour inciter chacun à se sentir concerné par cette célébration mortuaire. Dans le second mouvement, « Alles fleisch », une procession s’organise progressivement avec pour but l’estrade d’où sera chantée la rapide fugue finale de ce mouvement, Gijs Leenaars étant situé à distance en face du chœur. On se régale alors pleinement de l’incroyable niveau de ce chœur sans aucune faiblesse et dont le sens du collectif impressionne. Le baryton Konrad Jarnot prend ensuite la parole sur les mots « Herr, lehre doch mich » depuis le centre de la salle avant que les chanteurs se dispersent à nouveau en distribuant des coussins aux spectateurs, sans aucun doute une incitation à la détente.