La 48ème édition du Festival de La Chaise-Dieu – dirigé depuis cette année par Julien Caron – est structurée autour de plusieurs grandes thématiques ; l’une d’elles, le parcours « Bach en famille », propose de mettre en regard les œuvres de l’immense Johann Sebastian Bach avec les compositions des autres générations de sa famille. Mardi 26 août à 21h, à l’Abbatiale de La Chaise-Dieu, l’ensemble Pygmalion dirigé par Raphaël Pichon donnait un concert intitulé « Le Combat de Saint Michel », constitué d’œuvres de Johann Christoph, Johann Sebastian et Carl Philipp Emanuel Bach (dans l’ordre chronologique). Un fil conducteur inédit et judicieux, déroulé d’une main de maître par un Raphaël Pichon toujours aussi excellent dans ce répertoire.
La fête de la Saint Michel a lieu le 29 septembre ; comme toute fête d’importance dans la religion chrétienne, elle a été à l’origine de nombreuses pièces de musique sacrée. Outre un fragment seul, on a retrouvé trois cantates écrites par Johann Sebastian Bach pour l’occasion. L’ensemble Pygmalion complète ce programme avec une des grandes réussites de Johann Christoph Bach (l'oncle de J. S. Bach), et trois très belles pages de Carl Philipp Emanuel Bach (le deuxième fils de J. S. Bach). Si les textes mis en musique diffèrent selon les œuvres, elles relatent toutes le même événement biblique : lors de l’Apocalypse, l’archange Saint Michel et les anges qu’il guide chassent du ciel le dragon cherchant à dévorer le nouveau-né futur roi.
La surprenante cantate Es erhub sich ein Streit (Un combat éclata) de J. C. Bach est habitée par une majesté particulière, tour à tour retenue et triomphale. Le tumulte des entrées fuguées se fait encore plus spectaculaire dans la cantate de J. S. Bach portant le même nom (BWV19) ; avec une superbe énergie, l’orchestre produit une masse sonore jaillissante qui semble ruisseler sans fin, par-dessus laquelle le chœur exalté déploie des vagues mélodiques successives, se couvrant l’une l’autre comme si un souffle continu était à l’œuvre. La soprano Sabine Devieilhe restitue un aria époustouflant, malgré l’absence de toute respiration au milieu de vocalises rapides et ardues. La voix adamantine de Damien Guillon (alto) est toujours un enchantement ; Thomas Hobbs (ténor) projette lui aussi un beau timbre, d’une douceur très appréciable, malgré une dynamique parfois légèrement hésitante. C’est dans la cantate Herr Gott, dich loben alle wir (Seigneur dieu, tous nous te louons, BWV 130) que l’excellent Christian Immler (basse) révèle le mieux son charisme et sa parfaite compréhension de Bach, lorsqu’il met puissamment en garde contre la terrifiante envie du dragon.