En s'inspirant du Faust de Goethe dans la traduction de Gérard de Nerval, Hector Berlioz crée La Damnation de Faust en 1846, après avoir composé les Huit Scènes de Faust en 1828. Les thèmes abordés dans l’œuvre sont aussi ceux que Berlioz expérimentera dans sa vie. Le compositeur, désireux de s’affranchir des contraintes pesantes comme celle d’assigner une œuvre à un genre particulier, la sous-titre « légende dramatique en quatre parties ».
Le caractère dramatique de La Damnation de Faust est en effet omniprésent. Il ne se passe pas quelques minutes sans que la teinte ne devienne mélancolique voire désespérée, sans que les modulations ramènent les élans de joie à des temps de souffrance. Si la mort est le thème central de l’œuvre, le thème très romantique de la Nature est aussi important. Elle représente un empire immense capable de redonner espoir à Faust ou, au contraire, une force sourde à son malheur.
C’est le chef d’orchestre britannique Paul Daniel, qui dirige ce soir l'Orchestre National de Bordeaux/Aquitaine dont il est directeur musical depuis 2013, et pas moins de trois choeurs différents. Dès son arrivée sur scène, on ressent une effervescence particulière, que l’on discernait déjà lorsque les musiciens s’accordaient. En effet, le ténor qui interprète Faust est Michael Spyres, remplaçant d’Eric Cutler souffrant ce soir. Il n’a répété qu’une heure avec l’orchestre, le défi est donc de taille.
Paul Daniel lance l’orchestre instantanément. Dans un tempo rapide, le glissement des violons s’allie à la gaieté des flûtes auxquelles les cors répondent. C’est le réveil dans la nature de Faust, teinté d’angoisse. Intrigué, il se tourne vers les chœurs dès qu’il perçoit leurs chants. Son cœur empli de misère est étranger à la joie qui les habite. Puis, la gravité des violoncelles, rejoints petit à petit par les violons, annonce le désespoir de Faust. Les montées en puissance de l’orchestre traduisent ces accès de désespoir, tandis que les pizzicati des cordes introduisent le chant des chœurs. Michael Spyres se tourne successivement vers eux puis vers le public, désemparé et chancelant.
Méphistophélès, interprété par le baryton-basse Laurent Alvaro, arrive sur scène d’un pas assuré. On est immédiatement emporté par la profondeur et la puissance de sa voix, qui de plus rend tous les mots dans une parfaite élocution. « Partons donc pour connaître la vie, et laisse le fatras de ta philosophie » dit Méphisto à Faust, en commençant par l’emmener dans une taverne. C’est là que le baryton Frédéric Goncalves fait son apparition, interprétant la chanson de Brander, avec un beau timbre, souple et expressif, qui sert le personnage de façon très convaincante.