Il y a quelques jours, des centaines de camping-cars envahissaient Barèges, petite ville thermale tranquille, qui se distingue notamment par son emplacement sur la route du col du Grand Tourmalet. Le Tour de France est loin maintenant, et ce soir, dans la ville pyrénéenne apaisée, les thermes accueillent le Festival Piano Pic pour sa vingt-septième édition. La salle où se tient le concert n’est pas banale : une grande et longue nef aux arcs de style roman, rythmée par les portes des cabines, encombrée de chaises longues et envahie par une odeur de bains. Au fond, le Steinway semble incongru, comme un cachalot échoué, promesse d’une acoustique aquatique.
Il faut saluer le courage et l’obstination des fondateurs de ce festival : depuis tant d’années, faire venir des stars comme Alexandre Tharaud, investir des lieux comme ces thermes, ou bien sûr la terrasse du Pic du Midi qui donne son nom au festival, quelle audace !
En ce mercredi soir, ils nous proposent de découvrir Diana Cooper, jeune tarbaise au parcours déjà international qui joue Chopin, Schumann et d’abord Mozart, avec la fraîche et gaie Sonate K 330. Dans cette partition peu chargée, avec très peu de pédale, la pianiste maîtrise l’acoustique résonnante. Jubilation contrôlée, nuances très douces dans une vivacité ajustée, petits retards bien pesés, variété des accents : elle nous régale. L’Andante est pris davantage comme un Largo mais avec beaucoup de souplesse, ce qui nous évite l’ennui d’un tempo trop lent. Le rondo conclusif nous permet d’entendre de très belles phrases, chacune caractérisée mais avec un sens de l’ensemble ; Diana Cooper a plaisir à jouer et nous à l’entendre.
La Sonate opus 22 de Schumann nous entraîne sur un tout autre terrain. Malgré ses doigts fermes, dont la pulpe rebondit avec vivacité sur le clavier, la jeune femme peine à offrir autre chose qu’un maelstrom sonore noyé dans la pédale. Le bon tempo initial est gâché par des poses et des ralentis qui brisent l’élan ; sans réserve pour accélérer, elle dénature la coda. La musique se fait davantage intérieure dans l’Andantino avec une vraie conduite, le Presto final joue sur un fort contraste entre les parties, avec une belle régularité des doubles croches, un ultime crescendo bien mené. Mais Diana Cooper peine à nous faire oublier ce qu’une certaine Martha enregistrait au même âge qu’elle. Oui, c’est injuste…
Des six Préludes de Chopin que la pianiste interprète ensuite, le Quinzième est vraiment réussi, par sa faculté à utiliser la fameuse « goutte d’eau » du la bémol comme un voile léger qui imprègne la mélodie tournoyante, plus que comme un ostinato. Hélas la deuxième Ballade sombre. Son Andantino est univoque, les nuances du Presto inexistantes, tout est joué fortissimo ; l’Agitato final, qui devrait nous remuer aux tripes, nous embarquer aux confins de l’horreur, est juste confus.