Après deux ans de césure forcée, c’est le retour du Klarafestival, le plus grand festival de musique classique de Belgique. Comme un pied de nez au contexte sanitaire, la maxime de cette année est « Let’s stick together ! » et le moins que l’on puisse dire est que le festival promet de très belles rencontres dans sa programmation. Pour ouvrir l’édition 2022, le Klarafestival invite l’Orchestre National de France aux côtés de son directeur musical, le Roumain Cristian Măcelaru. Le pianiste israélien Boris Giltburg est également de la partie pour le Concerto pour la main gauche de Maurice Ravel.
Les premières notes du concert sont pour Hymn 2001 du compositeur ukrainien Valentin Silvestrov : à mi-chemin entre une prière et une tendre étreinte, la pièce rappelle avec douleur et compassion la triste actualité géopolitique. Elle est également un message de soutien au peuple ukrainien de la part des artistes et du festival.
L’orchestre enchaîne ensuite avec l’épopée de Taras Bulba de Leoš Janáček. Ce petit bijou d’orchestration offre un vrai défi d’interprétation de par son aspect morcelé et épisodique, à l’image de la vie du héros slave éponyme, où les victoires côtoient les tragédies. Măcelaru sait faire dialoguer efficacement l’orchestre et construit le récit avec beaucoup d’habileté. Le chef roumain a la tâche d’autant plus facilitée qu’il est armé d’un orchestre ô combien virtuose, n’accusant ni faille ni rugosité d’aucune sorte. Tous les solistes sont à saluer : de la harpe ductile au gracieux hautbois, ils assument chacun avec beaucoup de caractère les courbes parfois capricieuses de l’œuvre de Janáček. Mention spéciale à Laurent Decker : de son cor anglais au timbre corsé et aux inflexions passionnées, il sait colorer avec mélancolie et justesse les différents climats du programme de la soirée. Mais alors que l’on profite des couleurs transparentes des bois et de l’absence de toute forme de lourdeur, même chez les pizzicati des contrebasses, on ne peut s’empêcher de finalement trouver cette interprétation relativement lisse. La perfection plastique de l’ensemble ne réussit pas à retranscrire toutes les péripéties : on aurait aimé plus d’effroi lors de la mort d’Ostap ou un triomphe plus percutant à la mort de Taras Bulba au troisième mouvement.