L’Orchestre de la Suisse Romande et son directeur artistique Jonathan Nott nous proposaient un voyage impressionniste sur les terres d’Ernest Ansermet - Debussy et son magnifique Prélude à l’après-midi d’un faune et le Concerto pour piano et orchestre en sol majeur de Ravel - et pour conclure, la Symphonie n°3 de Brahms.
D'emblée, nous sommes saisis et fascinés par ce chef qui suscite, qui va chercher les couleurs de son orchestre, qui se mue en alchimiste précis des couleurs et des équilibres. De cette fresque Debussyste, on aurait peut-être aimé un peu plus d’effet de vagues, de relâché, mais disons-le tout de go : ce fut un très beau moment de musique.
Le Concerto pour piano et orchestre en sol majeur. Avant de discuter l'interprétation du pianiste, Nelson Goerner, soulignons à quel point l’Orchestre de la Suisse Romande poursuit sa mue : débutée après les années délicieuses sous la baguette d’Armin Jordan, portée par Pinchas Steinberg et son attention particulière aux cordes, puis enfin consolidée par le travail de fond mené par Marek Janowski et son absolue rigueur quant aux équilibres. Aujourd’hui l’Orchestre de la Suisse Romande s’est bien renouvelé et se présente aux auditeurs avec des cordes soyeuses, fondues et néanmoins vives et acérées, mais surtout des vents de haute qualité. En témoignent les interventions d’Olivier Bonprun à la trompette étincelante, de Michel Westphal dont la clarinette émerveille à chaque intervention, Alexandre Emard au cor anglais impérial, au son soyeux, tel le chant d’une contralto ombrée, s’étendant à l’envi tant et si bien que l’on se demande si le monsieur a besoin de respirer. Ses phrases sont sensibles, la technique au service d’une interprétation qui donne le frisson ! Et nous passerons sur la qualité de l’équipe des cors qui depuis l’arrivée d’Alexis Crouzil et Clément Charpentier-Leroy nous offre, outre le bonheur de ses deux solistes Jean-Pierre Berry et Julia Heirich, celui de tutti parfaits.
Ainsi donc ce concerto, serti par un Orchestre de la Suisse Romande aux solistes de haute volée, pouvait laisser échapper sa grâce sous les doigts époustouflants de Nelson Goerner qui nous cueillera, non pas par sa virtuosité, mais par son interprétation magistrale, à mi chemin entre la joie et les rires du Presto conclusif, et l’émotion de l’Adagio assai. Ce dernier justement fut saisissant par son émotion sereine, sans pathos ; rayonnement d’une nostalgie apaisée. Le pianiste sert la musique sans jamais sombrer dans une boursouflure égotique de soi.