Fondé par la pianiste Françoise Thinat, le Concours international de piano d'Orléans en est à sa treizième édition. Elle vient de s'achever, à Paris par la victoire de Maroussia Genet, Premier Prix Blanche Selva, tandis que le Coréen Hyeonjun Jo et que la Japonaise Miharu Ogura ont remporté respectivement les deuxième et troisième prix d'une compétition qui a eu la main heureuse les années passées, en décernant ses prix à Wilhem Latchoumia, au Turc Toros Can et au regretté Américain Christopher Falzone.
Ce concours est finalement très osé dans son œcuménisme stylistique. Pour la pianiste Françoise Thinat le XXe siècle pianistique ne se situe ni à Vienne et Berlin – tendance dodécaphoniste –, ni à Darmstadt et Paris – tendance sérialisme, éventuellement intégral –, ni à New York ou Los Angeles – tendance répétitif –, ni un peu partout chez les indépendants, les inclassables, voire chez les néotonaux du jour, non pour Thinat le XXe siècle va d'Albeniz à la partition tout juste sèche d'un compositeur bien vivant, en passant par Rachmaninov. Et si, aujourd'hui, cela va de soi, cette volonté manifeste de taire ses préférences n'était pas évidente, jusqu'à voici peu de temps. Car évidemment cette pianiste est tout sauf une timorée : les auditeurs de France Musique qui l'ont entendue maintes fois dans le Matin des musiciens, invitée de Jean-Pierre Derrien, le savent bien. Mais elle est avant tout une professionnelle qui sait que les jeunes musiciens en formation doivent se confronter à tous les langages du passé et du présent – qui devient à son tour bien vite du passé –, s'ils veulent acquérir une agilité intellectuelle et une mobilité expressive qui ont pu faire défaut, dans les années 1970 et 1980, aux puristes si prompts à lancer des oukases. Être pour l'un voulait dire être contre l'autre. Mais on le sait, le purisme est la science des imbéciles.
Voici pourquoi, sans aucun doute, un Toros Can joue Purcell comme un Dieu et Ligeti, George Crumb et Hindemith avec cette splendeur sonore et cet attachement aux couleurs qui rendent son piano chatoyant. Et voici aussi pourquoi, Latchoumia joue Villa Lobos, Falla aussi bien que des œuvres autrement plus austères. Et que les deux continuent de crééer des œuvres nouvelles en compagnonnage avec des compositeurs. Disons qu'Orléans cherche les oiseaux rares et les trouve.
Pour fêter les trois nouveaux impétrants, le Concours a donc organisé un petit récital d'une heure dans le Théâtre des Bouffes du Nord dont l'état de semi-ruine, aussi étudié que les couleurs d'un tapis persan, et la belle acoustique sont idéaux pour une telle réunion. Si France Musique avait déplacé ses micros, c'est aussi parce qu'Au cœur de l'oblique du jeune compositeur espagnol de Paris Hector Parra y était donné en création mondiale publique. J'ajoute « publique », car cette pièce était l'œuvre imposée pour cette treizième édition du concours.