L’oratorio est un genre bien particulier, à mi-chemin entre opéra et symphonie chorale, tout en appartenant à la musique sacrée. Il séduit notamment par son caractère théâtral et sa capacité à mobiliser orchestre, solistes et chœur pour mieux donner vie à la narration. Mendelssohn a écrit deux grands oratorios représentatifs du genre au XIXème siècle ; dimanche 7 juin 2015, ce n’est pas Paulus, mais Elias que le Royal Philharmonic Orchestra et le Bach Choir interprétaient au Royal Festival Hall sous la direction de David Hill. Malgré des effectifs imposants, les interprètes ont livré une version de l’œuvre globalement insipide, dénuée d’émotion et (plus grave) de sens du sacré.
En deux parties, l’œuvre présente une série de scènes de la vie du prophète Elias, racontées directement à travers les personnages (Elias, une veuve, un ange, Abdias, la reine Jezabel, le peuple incarné par le chœur). La trame générale du livret est fondée sur la lutte entre Elias, représentant du Dieu juif, et le Roi et la Reine d’Israël Achab et Jezabel, qui ont introduit dans leur pays le culte du dieu Baal et l’ont transmis à leur peuple.
La musique d’Elias est inspirée par les grandes œuvres sacrées de Bach, Haendel et Haydn. C’est un élément stylistique fondamental dont le Royal Philharmonic Orchestra ne tient pas compte le moins du monde : si les musiciens jouent correctement, sans fausses notes, qu’ils donnent à entendre la partition, il est difficile de déterminer en quoi ils proposent leur interprétation de cette partition. Leur expressivité est tout à fait neutre, sans nuances, sans contrastes, sans effets de rythmes, et les timbres sont dénués de saveur. Outre cette homogénéité de ton désespérément morne, quelques décalages sont perceptibles au sein des pupitres, mais aussi avec le chœur, pour la simple raison que le chef David Hill dirige uniquement soit l’orchestre soit le chœur – avec une nette préférence pour ce dernier. C’est vraiment dommage, d’une part parce que l’équilibre musical entre parties n’est pas respecté, mais aussi parce que le chœur n’a vraiment pas beaucoup de qualités à faire valoir dans cette pièce. Certes, la masse chorale est impressionnante, et sonne pendant les tutti fortissimo ; certes, un oratorio est plus difficile à interpréter qu’un opéra mis en scène ou une messe subdivisée en parties de natures différentes. Il est néanmoins problématique qu’un chœur d’une telle ampleur ne parvienne pas à projeter un son rond, charnu, bref, un son plein. L’acoustique n’est certainement pas la plus adaptée, mais les imprécisions, le souffle, les hésitations de placement, et tous les petits problèmes techniques qu’on peut relever ne permettent pas au chœur de rendre hommage à la musique de Mendelssohn… Surtout que les choristes semblent chanter sans savoir ce qu’ils chantent ! Leurs visages sont inexpressifs et leurs regards éteints, tout comme leur ton – qui va de pair avec celui de l’orchestre.