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« Tel un opéra suspendu dans le temps » : Olga Peretyatko et Benjamin Bernheim à la Philharmonie

By , 24 May 2018

Il est des soirées où les oracles les plus heureux se réalisent pour faire d'une parenthèse musicale un moment rare, unique, à part : le récital lyrique de la soprano russe Olga Peretyatko accompagnée du ténor français Benjamin Bernheim en fait partie.

Première particularité et non des moindres, la cohérence d’un programme bâti comme les trois actes d’un véritable opéra romantique, passionné, rieur, moqueur, mais également profond par la vérité de son sujet.

« Casta diva ». Le plus fameux extrait de Norma de Vincenzo Bellini annonce la couleur : Olga Peretyatko approche cet aria avec la plus grande pureté, un lyrisme noble, une voix à la fois cristalline et chaude qui porte, transperce les cœurs sans la moindre fioriture et portée par des vocalises au vibrato émouvant. Le deuxième protagoniste, fait son entrée sur « Ah ! Lève-toi soleil !», extrait du Roméo et Juliette de Charles Gounod. Apparaissant presque en retrait tout d’abord par rapport à sa muse, Benjamin Bernheim laisse néanmoins entrevoir une véritable voix de ténor, ample, avec des basses profondes, des aigus ronds et tenus, et un timbre chaleureux, comme peu de ténors de nos jours qui tendent bien souvent vers le baryton. Le premier acte se clôt sur le premier duo, « Qui di sposa eterna…Ah ! Verranno a te sull’aure » du Lucia di Lammermoor de Donizetti où les voix s’entrelacent, se répondent mélodieusement, en mimant l’espoir d’un avenir radieux, plein et que les séries de crescendo entamés à l’unisson scandent comme les exploits de deux héros qui se sont conquis l’un l’autre.

C’est un homme amoureux mais éploré qui revient sur scène après l’entracte. Dans « Oh fede negar… Quando le sere al placido », Benjamin Bernheim use de tout son coffre avec intelligence afin de donner vie aux lamentations de Rodolfo, fils du comte Walter, dans Luisa Miller. Le vibrato tenu aussi bien dans les aigus que le medium confère au discours du ténor la détresse de l’incompréhension amoureuse. « Addio, del passato », extrait de La traviata, nous fait pleinement entrer dans le mélodrame, l’affliction des passions que le destin s’efforce de contrecarrer. Olga Peretyako s’empare de la scène, avec une partition représentant les derniers témoignages d’amour de son bien-aimé qui semble se faire silencieux. Elle mime la contrition, la douleur, la peine, alternant envolées perçantes et plus langoureuses en faisant preuve d’un timbre fin sans jamais perdre en profondeur.

Saluons la direction exemplaire du chef italien, Giampaolo Bisanti, qui donne un souffle, une respiration ample et romantique, mettant l’emphase sur le legato dans le Prélude de l’acte III de La traviata ou encore dans l’Intermezzo de la Cavalliera rusticana. Tout au long du récital, il s’attache à faire vibrer les cordes de l’Orchestre de chambre de Paris avec légèreté et gravité.

Le programme se termine par « E il sol dell’anima…Addio speranza ed anima », duo extrait de Rigoletto, où les artistes s’amusent, prennent plaisir à vivre la réconciliation des deux amants, leurs jeux cherchant à éprouver la sincérité et la véracité de leurs inclinations, si bien que le chef italien se prête même à une incursion vocale dévoilant quelque qualité de baryton pour jouer les seconds rôles.

Que dire du dernier acte après deux heures d’un récital exigeant, plein, et sans le moindre temps mort ? Un véritable tour de force ! Tout d’abord deux rappels en langue française : pureté et ballades vocales suaves avec la Villanelle d’Eva Dell’ Acqua ; force, intensité et lyrisme à fleur de peau avec « Pourquoi me réveiller, Ô souffle du printemps ? » du Werther de Jules Massenet. Enfin, un final en apothéose avec « Caro Elisir sei mio…Esulti pur la barbara » de Gaetano Donizetti, poussant le jeu de scène à son paroxysme avec facétie, humour, un engagement plénier et complice symbolisé par la chopine d’élixir d’amour partagée sur scène par les trois protagonistes principaux.

Un récital de chant qui restera dans les mémoires, où Benjamin Bernheim s’est révélé un formidable ténor éloquent avec une épaisseur, un timbre puissant et harmonieux, et où Olga Peretyatko, s’est affirmée comme une grande diva avec un timbre d’une rare pureté, une présence scénique envoûtante, le charme et la prestance d’une immense artiste.

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“une grande diva avec un timbre d’une rare pureté, une présence scénique envoûtante”
Reviewed at Philharmonie de Paris: Grande salle Pierre Boulez, Paris on 14 May 2018
Bellini, Norma: Casta Diva
Bellini, I Capuleti e i Montechi: sinfonia
Gounod, Romeo et Juliette: Je veux vivre (Juliet's Waltz)
Gounod, Roméo et Juliette: L'amour! - Ah! lève-toi, soleil!
Donizetti, La Fille du Régiment: sinfonia
Donizetti, Linda di Chamounix: Oh luce di quest'anima
Donizetti, L'elisir d'amore: Una furtiva lagrima
Donizetti, Lucia di Lamermoor: Qui di sposa eterna... Ah, verrano a te sull'aure
Verdi, Luisa Miller: Quando le sere al placido
Verdi, Luisa Miller: Lo vidi e'l primo palpito
Verdi, La traviata: Prelude to Act 3
Verdi, La traviata: Addio del passato
Verdi, La traviata: Parigi, o cara
Mascagni, Cavalleria rusticana: Intermezzo
Verdi, Les Vêpres siciliennes (I vespri siciliani): Merci, jeunes amies (Mercè, dilette amiche)
Verdi, Rigoletto: Parmi veder le lagrime
Verdi, Rigoletto: È il sol dell'anima
Olga Peretyatko, Soprano
Benjamin Bernheim, Tenor
Orchestre de chambre de Paris
Giampaolo Bisanti, Conductor
Chamayou and Bringuier bring Provençal sunshine to La Roque
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A moving tribute to Lars Vogt by the Orchestre de chambre de Paris
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Passion and joy from Lars Vogt and Orchestre de chambre de Paris
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La Reine de Chypre claims three tenor victims
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