Il est des soirées où les oracles les plus heureux se réalisent pour faire d'une parenthèse musicale un moment rare, unique, à part : le récital lyrique de la soprano russe Olga Peretyatko accompagnée du ténor français Benjamin Bernheim en fait partie.
Première particularité et non des moindres, la cohérence d’un programme bâti comme les trois actes d’un véritable opéra romantique, passionné, rieur, moqueur, mais également profond par la vérité de son sujet.
« Casta diva ». Le plus fameux extrait de Norma de Vincenzo Bellini annonce la couleur : Olga Peretyatko approche cet aria avec la plus grande pureté, un lyrisme noble, une voix à la fois cristalline et chaude qui porte, transperce les cœurs sans la moindre fioriture et portée par des vocalises au vibrato émouvant. Le deuxième protagoniste, fait son entrée sur « Ah ! Lève-toi soleil !», extrait du Roméo et Juliette de Charles Gounod. Apparaissant presque en retrait tout d’abord par rapport à sa muse, Benjamin Bernheim laisse néanmoins entrevoir une véritable voix de ténor, ample, avec des basses profondes, des aigus ronds et tenus, et un timbre chaleureux, comme peu de ténors de nos jours qui tendent bien souvent vers le baryton. Le premier acte se clôt sur le premier duo, « Qui di sposa eterna…Ah ! Verranno a te sull’aure » du Lucia di Lammermoor de Donizetti où les voix s’entrelacent, se répondent mélodieusement, en mimant l’espoir d’un avenir radieux, plein et que les séries de crescendo entamés à l’unisson scandent comme les exploits de deux héros qui se sont conquis l’un l’autre.
C’est un homme amoureux mais éploré qui revient sur scène après l’entracte. Dans « Oh fede negar… Quando le sere al placido », Benjamin Bernheim use de tout son coffre avec intelligence afin de donner vie aux lamentations de Rodolfo, fils du comte Walter, dans Luisa Miller. Le vibrato tenu aussi bien dans les aigus que le medium confère au discours du ténor la détresse de l’incompréhension amoureuse. « Addio, del passato », extrait de La traviata, nous fait pleinement entrer dans le mélodrame, l’affliction des passions que le destin s’efforce de contrecarrer. Olga Peretyako s’empare de la scène, avec une partition représentant les derniers témoignages d’amour de son bien-aimé qui semble se faire silencieux. Elle mime la contrition, la douleur, la peine, alternant envolées perçantes et plus langoureuses en faisant preuve d’un timbre fin sans jamais perdre en profondeur.