Dix ans ont passé depuis que l’idylle a cessé. Des Grieux ne vit plus que dans le passé, dans le souvenir de celle qu’il a perdu : sa Manon. Manon dont il n’a plus que le loisir de contempler le portrait.
Partant du fait qu’il a trop souffert par amour, il souhaite éloigner son jeune protégé (Jean) de la passion qui le dévore pour la belle Aurore.
À force de stratagème, les deux jeunes amoureux parviendront cependant à convaincre le tuteur de consentir à leur union.
Les personnages de l’Abbé Prévost n’ont pas quitté Massenet qui nous plonge dans une suite, toute teintée de mélancolie, de son grand opéra Manon. Tous les grands thèmes de Manon sont là. Massenet en joue. Plus que n’importe quelles paroles, ces phrases musicales nous replongent dans le passé, nous font sourire et nous touchent.
Comment alors ne pas louer la formidable idée de l'Opéra de Marseille d’avoir présenté ensemble les deux ouvrages sur deux journées. Deux ouvrages qui se répondent si bien. Quelle justice de redonner au second toute sa place aux côtés de son aîné !
L’œuvre est courte (45 minutes), beaucoup moins « grand spectacle » que Manon, évidemment moins dramatique et ne fait apparaître que quatre personnages. Elle a cependant l’avantage d’être plus intime, drôle et nous plonge dans une époque agréablement désuète.
Sur scène on s’attendait à en voir beaucoup moins. Le programme annonçait une « mise en espace » mais Yves Coudray connaît suffisamment son métier pour tromper l’ennui et faire vivre un plateau. Les décors de la production de Manon sont recyclés, les personnages sont en costume : la scène vit. Pas d'originalité mais simplement un respect scrupuleux du texte, de l’époque. En soit un spectacle « comme avant » qui ravit par son efficacité et son parfum délicieusement vieillot.
La distribution n’en est pas moins séduisante. Saluons sa belle homogénéité et cette belle cohésion digne d’une troupe.
L’Aurore de Jennifer Michel séduit par son agilité et sa simplicité. Pas de prise de risque mais belle maîtrise du rôle. Un nom à suivre. Autre belle découverte : Antoinette Dennefeld qui interprète le rôle travesti de Jean. Beau timbre, belle présence et sublime articulation. On aurait aimé moins de prudence de la part de ces deux tourtereaux, plus de fougue et de folie. Gageons que l’expérience incitera ces deux très belles voix à oser d’avantage.