Le Festival de la Grange de Meslay, dans le sillage de son père fondateur Sviatoslav Richter, donne une large de part de sa programmation au piano. Ce n’est toutefois pas le seul instrument à l’honneur : en ce week-end d'ouverture, les concerts de l’après-midi sont des concerts de musique de chambre qui laissent la part belle aux instruments à vent et à cordes frottées. Comme pour préparer le public à ce changement de timbre, deux élèves du conservatoire de Tours accueillent à la flûte traversière et au violon les spectateurs en embuscade derrière le porche de la tour carrée qui marque l’entrée dans le domaine de la grange.
De retour à la grange après y avoir interprété Beethoven l’année dernière, le Quatuor Fidelio propose au public du samedi un programme Mozart. Dès les premières notes du Quatuor à cordes K465, on est saisi par la finesse du son de l’ensemble. Dans une atmosphère feutrée où la musique semble émerger de nulle part, l’« Adagio » du premier mouvement, qui donne son surnom de « Dissonances » à la partition, définit une esthétique rêveuse, avant de véritablement entrer dans l’œuvre avec l’« Allegro ». Les Fidelio se distinguent par l'homogénéité de leurs timbres, chaque instrumentiste étant attentive à bien s’incorporer dans le son de ses trois collègues au gré des nombreux jeux de duos qui ponctuent le discours.
Associé à un léger vibrato omniprésent, le beau son soigné du groupe irrigue l’ensemble de la partition, mais manque cependant parfois de verve et d’engagement. Si les dynamiques sont variées, les staccatos pourraient avoir davantage de mordant, et certains passages perdent légèrement de leur force émotionnelle face à une esthétique générale certes jolie mais un peu uniforme, à l’image du trio du troisième mouvement dont la dimension opératique peine à prendre toute l’ampleur qu’elle mériterait.
Quand le clarinettiste Lilian Lefebvre rejoint les quatre musiciennes pour le Quintette avec clarinette K581, on est frappé par l’aisance avec laquelle il se fond dans un groupe à l’écoute. Il s’agit véritablement d’un quintette, et non d’un quatuor accompagnant une clarinette soliste. Cette intégration sonore est particulièrement sensible pendant le deuxième mouvement : lors de quelques gammes ascendantes presque suggérées, la clarinette sait passer au second plan alors même que les cordes sont en sourdine. Le nouvel effectif reste cependant prisonnier de l’esthétique des « Dissonances », et si l’ajout d’un instrument réveille un temps l’intérêt, on reste sur sa faim en imaginant une proposition plus malicieuse et incarnée, tout en profitant pleinement de l’écriture géniale de Mozart.