L'énergie du Quatuor Hermès qui emplissait hier la salle Élie de Brignac ne les a pas quittés. Avec la même fougue qui achevait la veille le Quatuor « Rosamunde » de Schubert, les quatre musiciens s'engagent dans une partition exigeante : le Quatuor n° 4 de Bartók. Sans surprise, ils s'en rendent maîtres avec aisance et guident leur auditoire, captivé, à travers les sentiers merveilleux du compositeur hongrois.
Les premières mesures donnent le ton : la qualité du son et la mise en valeur des articulations feront l'inaltérable préoccupation des Hermès et la réussite sans ombre de leur interprétation. Le contrepoint sinueux du premier mouvement trouve dans la vivacité des archets une fraîcheur certaine, mais les musiciens rayonnent plus encore par leur effort commun et par leur écoute attentive : l'homogénéité des timbres est telle que les lignes mélodiques s'échangent indistinctement, comme si elles émanaient d'un seul et unique organe. Les prises de parole individuelles sont d'autant plus marquantes et dévoilent des qualités indubitables : une expressivité aiguë pour le violon d'Omer Bouchez, un son d'une limpidité rare pour l'alto de Yung-Hsin Chang. Au troisième mouvement, épicentre de l'œuvre, le temps est suspendu : sur la lente évolution d'un agrégat tenu, d'une pureté de son remarquable, Anthony Kondo livre au violoncelle un solo qui tient toute la salle dans un état de fascination. Au quatrième mouvement, tout en pizzicati, les Hermès surprennent encore par leurs facilités déconcertantes. Au cinquième et dernier, l'énergie du quatuor atteint son paroxysme – du moins pour cette première partie – et laisse éclater dans l'écho du dernier unisson l'enthousiasme du public.
Dans cette vive ambiance, Guillaume Vincent entre en scène. Le contraste aux premières notes de la « Chapelle de Guillaume Tell » est fort : l'énergie accumulée avant son entrée est vectorisée dans la fermeté de son jeu, cherchant à explorer dans une nuance généreuse tout le potentiel des harmonies lisztiennes. Soucieux de donner à entendre chaque détail de la partition, le pianiste étire bien souvent la pulsation, isolant par endroits certains éléments du récit musical, mais favorisant indubitablement la gestion de la pédale de résonance.