Pour ce récital à Opéra de Lyon, Sabine Devieilhe et Anne Le Bozec ont choisi des pièces intimistes : des mélodies et lieder des compositeurs Maurice Ravel, Albert Roussel et du moins connu Alexander von Zemlinsky.
Le concert commence avec l’opus 6 de Zemlinsky, le plus joué, bien que ces lieder figurent parmi les œuvres de jeunesse du compositeur. Ce cycle s’inscrit dans la lignée des compositeurs romantiques : le chant est très mis en avant pendant que le piano accompagne, même si l’écriture pianistique apparaît dense et exigeante. Le lyrisme l’emporte à certains moments, à l’image des passages plus sombres, comme dans « Briefchen schrieb ich », qui clôt le cycle en laissant apercevoir toute l’étendue de la voix de Sabine Devieilhe.
Nous changeons d’atmosphère avec cinq mélodies de Ravel. La différence dans l’accompagnement est flagrante : le piano paraît moins fourni, plus éthéré. Les couleurs développées témoignent de l’intérêt du compositeur pour les modes anciens et les sonorités d’autrefois. Ici, le texte mis en musique est en français, ce qui nous permet d’apprécier encore davantage la diction précise et l’expressivité de Sabine Devieilhe. Nous sommes transportés par les histoires, elles-mêmes sublimées par les sonorités qui les évoquent. Par exemple, dans la Ballade de la Reine morte d’aimer, où certains accords du piano font écho aux cloches décrites dans le texte, ou encore dans la mélodie Sur l’herbe, qui décrit une scène d’ivresse, accentuée par les motifs ondulants du piano.
Les pièces suivantes de Zemlinsky sont d’un caractère différent des premières que nous avons entendues, toujours dans un système tonal, mais élargi, aux harmonies parfois plus denses. Elles font davantage la part belle au piano, sans que jamais il n’éclipse la voix. Cette dernière est mise en valeur par des lignes mélodiques plus inattendues et aux intervalles parfois très disjoints, ou au contraire des chromatismes. Il est à souligner le jeu délicat et subtil d’Anne Le Bozec, et la parfaite symbiose entre les artistes : les attaques sont précises et rigoureuses, les nuances se complètent. Les piano des deux musiciennes nous subjuguent par leur clarté, en particulier lorsque Sabine Devieilhe pose les notes les plus aigues, subtilement, avec une grande limpidité. Nul doute que le duo met parfaitement en valeur le répertoire choisi.