Cette reprise de la production de Claus Guth créée sur la même scène la saison dernière présente le personnage de Rigoletto sous forme d’un homme abattu, errant avec son fardeau à bout de bras, une sorte de boîte de pandore contenant ses fantômes et ses maigres espoirs de parvenir à éviter les drames de son passé. Il assiste impuissant aux événements qui ont contribué à sa perte, observe dans un mélange de tension et d’agonie tout ce que ses souvenirs contiennent d’angoisse et d’horreur obsédante.
Cette mise en abyme est illustrée à la fois par la présence de ce double de Rigoletto – Henri Bernard Guizirian – en bord de scène portant sa boîte de carton et par le décor représentant l’intérieur de ladite boîte, renforçant ainsi le sentiment d’oppression qui jalonne l’ensemble de l’œuvre et s’exprime à travers les caractères des personnages, que les lumières d’Olaf Winter accentuent ou déplacent sous forme d’ombres, créant alors un nouvel effet miroir.
Si la direction de Daniele Rustioni s’avère être d’une vivacité et d’une intensité notable, l’orchestre semble en revanche souffrir de quelques décalages rythmiques qui émaillent la nécessité de cohésion avec le chant bien que soulignant avec délicatesse les contrastes de la partition. La distribution vocale, entièrement renouvelée, est quant à elle dominée par le duo formé par la soprano américaine Nadine Sierra dont les aigus ornés et lumineux et l’énergie déployée dans le jeu rendent sa Gilda bouleversante, et par le baryton serbe Željko Lučić, dont la puissance vocale gagne en épaisseur tout en devenant glaçante dans les mezza voce.