Rendez-vous incontournable des amateurs de musique contemporaine à Radio France, le Festival Présences 2019 démarre avec un programme des plus alléchants. L'édition de cette année se concentre sur la figure de Wolfgang Rihm, compositeur allemand né en 1952. À ses côtés pour ce concert d’ouverture, on trouve des pièces d'Hugues Dufourt – une création française –, de Karlheinz Stochausen (maître de Rihm) et de Martin Matalon – une commande et création mondiale également.
Le concert démarre sur le Klavierstück n° 5 pour piano solo ; Radio France avait commandé à Rihm une création mondiale mais, le compositeur étant souffrant, il ne put malheureusement pas l'achever. Le Klavierstück n° 5 est une œuvre de jeunesse pour piano seule, à la formation différente du reste du programme – pour pianos et percussions, un joli panel de marteaux en tous genres avec de grands maîtres à la clé, de quoi explorer un large échantillon de différentes textures avec des modes de jeux très variés.
L’œuvre est exécutée par Bertrand Chamayou, excellent pianiste en résidence à Radio France qui démontre son intelligence musicale avec des choix d'interprétation très marqués. Son timbre et son affirmation des contrastes donne une profondeur décuplée à la pièce. Le Klavierstück s'ouvre sur des octaves graves, répétées après de longs silences, se décalant en intervalles dissonants, avant de se diluer davantage pour créer une œuvre furieuse. Le temps semble tour à tour s'empresser et s'assouplir dans des variations de couleurs et de vitesse extrêmes, et l'écriture de Rihm démontre un certain lyrisme malgré sa rigueur. On est captivé en attendant chaque geste de l'interprète, concentré, le regard fixe comme si ses départs allaient lui être donnés par la partition.
On profite également d'une œuvre du mentor de Rihm : le Refrain de Karlheinz Stockhausen, après l'entracte, est aussi amusant qu'il laisse un peu triste. On revoit avec nostalgie les débuts de ces expérimentations-là, la création de Refrain datant de 1959, et on salue bien bas le panache du compositeur. Observer des interprètes s'écrier aléatoirement des petits mots dans une langue inventée est jouissif, autant que voir la partition disproportionnée, écrite en arc de cercles avec des lignes dans tous les sens, déborder des pupitres. La pianiste se voit affublée de wood-blocks, le célesta de cymbales et le vibraphoniste de sonnailles – cloches similaires à celles accrochées autour du cou du bétail –, et les voilà libres d'improviser ponctuellement de jolies interventions. Si Stockhausen expliquait très rigoureusement la construction de ses œuvres, on distingue dans toute cette panoplie de jeu, brillamment appropriée par les interprètes, une certaine forme d'humour.