Le coup d’envoi 2017 est donné avec éclat. Gstaad, ce charmant village niché dans le Berner Oberland qui lui sert de ravissant écrin, a vu s’ouvrir ce vendredi 27 janvier la dix-septième édition des Sommets Musicaux. Cette année, le prestigieux festival d’hiver dont Renaud Capuçon a pris la direction artistique en 2016 met à l’honneur le violon — comme en 2012 ou 2007— et c’est un programme Beethoven alléchant et ambitieux, le Concerto pour violon et la Symphonie n° 5, que des interprètes exceptionnels, Gil Shaham et l’orchestre Les Siècles dirigé par François-Xavier Roth, vont rehausser de leur propre lustre sonore.
La Cinquième, jouée en deuxième partie, sera rapide, très rapide : nerveuse à l’extrême (vrai défi pour les attaques de cor), elle révèle cependant aussi une beauté poétique grâce aux hautbois dans l’Allegro con brio, ou cet unisson parfait et nourri des cordes graves au début de l’Andante. François-Xavier Roth exige de ses instrumentistes de forts contrastes, qui permettent de mesurer la qualité sonore et l’excellente réactivité de cette formation très jeune.
L’église de 1604 avec ses jolies fresques est seulement remplie à moitié ce soir, étonnant, compte tenu de l’affiche généreuse qui est proposée au public. Ce n’est décidément pas la faute des interprètes : bon nombre de festivaliers internationaux n’arrivent dans la petite station que le samedi. Mais il ne savent pas ce qu’ils manquent. Le Concerto en ré majeur (op. 61), virtuose au point de passer pour injouable aux débuts de sa réception, vit aujourd’hui l’une de ses heures de gloires sous l’archet de Gil Shaham, dont les Siècles sont des complices subtils : leur soin de l’interprétation sur instruments historiques est assumé. Jouée pas trop rapidement, l’ouverture d’orchestre regorge déjà de couleurs prometteuses. Les cordes, douces et élégantes au début, développent subitement un côté tranchant quand François-Xavier Roth lève seulement son petit doigt. C’est que le premier violon, très joliment expressif, est aux aguets, avec ses yeux suspendus au moindre frémissement du chef. Et puis le soliste s’en mêle. L’intensité du stradivarius « Comtesse Polignac » de 1699 en impose sous son jeu : la montée d’énergie de la première cadence est royale. Alors que l’orchestre développe un thème passionnel, profond et lumineux en même temps, Gil Shaham balade son archet sur les cordes à la manière d’une patineuse sur glace, dessinant des pirouettes solitaires et élégantes.