Bon anniversaire, Siegfried ! La deuxième journée de la Tétralogie à Bayreuth s'ouvre sur une célébration, bien peu engageante il est vrai, en l'honneur du personnage éponyme. Mime s'est habillé en magicien, réchauffe une part de gâteau au micro-ondes (la forge façon middle-class du XXe siècle) tandis que Siegfried déballe ses cadeaux : une épée laser, qu'il s'empresse de détruire avec dédain. L'intérieur est assez lugubre : un ensemble de poupées pour figurer les amis de Siegfried, un sac plastique en guise de baldaquins... On constate néanmoins une sensible évolution dans les décors. Les panneaux roulants caractéristiques des opus précédents sont toujours présents, mais ils se superposent désormais pour former des structures gigantesques ; des boîtes à chaussures des sitcoms, on passe aux décors monumentaux d'un blockbuster. Ainsi l'antre du dragon, ici ce qui semble être une clinique de gériatrie de luxe très épurée, toute de marbre blanc (plus House of Cards que Game of Thrones) ; ou encore la prison de Brünnhilde, enchevêtrement labyrinthique de structures dans lesquelles évolue Siegfried, à la manière d'une scène d'infiltration.
Hormis ces décors absolument magnifiques signés Andrea Cozzi, il ne faut pas espérer grand-chose de la mise en scène. Le comique, efficace dans L'Or du Rhin, hors de propos dans La Walkyrie, est ici carrément malvenu ; que dire des quolibets qui s'échappent quand Siegfried harcèle Mime, quant on sait le fondement antisémite du personnage ? Pour vaincre Fafner, ici un ancêtre au bord de la mort, Siegfried fait simplement valdinguer sa canne. Fafner s'effondre au sol. Le public pouffe. Certes, Siegfried pourrait être le méchant de l'histoire, et tous ces actes condamnables ; mais la charge comique que leur donne le metteur en scène est indéniable, et questionne.
Par ailleurs, « l'enfant-Ring », désormais adulte, est de retour, toujours reconnaissable à son t-shirt jaune. Retenu auprès de Fafner, il se prend de passion pour Siegfried. Les deux rient et jouent ensemble : un vrai buddy-movie. Hélas, Siegfried s'éprend de Brünnhilde et l'enfant-Ring s'enfuit en pleurant de désespoir. Le programme le crédite en tant que « jeune Hagen ». Tiens tiens... À force de vouloir raconter sa propre histoire, Valentin Schwarz rend le tout confus, son message perd en lisibilité et donc en force. Dommage.
Paradoxalement, on ne s'ennuie pas une seconde pendant cette deuxième journée. On distingue de mieux en mieux les contours de l'orchestre-fantôme. Les violons s'y distinguent par un cantabile incarné et très vibré, et de remarquables qualités d'ensemble. On imagine, sans la voir, que la sûreté de la baguette de Simone Young y est pour beaucoup. Dans le deuxième acte, c'est évidemment les cuivres et vents graves que l'on remarque ; leur timbre rauque, toujours très dense mais astucieusement spatialisé par l'acoustique miraculeuse du Palais des Festivals, figure merveilleusement les profondeurs de l'antre du dragon.