Le programme du Festival d’Auvers-sur-Oise annonçait : « Comme en 1990, où Auvers et son festival fêtaient le centenaire (sic) de Van Gogh, Lambert Wilson et Bruno Rigutto se retrouvent autour des lettres que Vincent écrivait à son frère ». Chacun aura rectifié : c’était alors le centenaire… de la mort de l’illustre peintre, qui repose avec son frère Théo dans le cimetière de la cité valdoisienne.
Riche idée que ce programme, sans pause, mêlant lectures, pièces pour piano et mélodies accompagnées, et réelle performance pour Lambert Wilson qui combine deux disciplines qui n’ont guère à voir l’une avec l’autre : la déclamation d’un texte et l’interprétation d’une mélodie. On sait l’intérêt que le comédien a toujours porté à la musique, les spectacles de comédie musicale, de chanson, auxquels il s’est prêté, et il avait naguère enregistré quelques mélodies françaises pour le disque. Mais on a découvert ce soir chez lui des ressources insoupçonnées.
Rappelons, pour ceux qui n’en seraient pas familiers, que Vincent Van Gogh a passé à la fin de sa vie très exactement 70 jours, du 20 mai au 29 juillet 1890, à Auvers-sur-Oise. La correspondance assidue qu’il a entretenue avec son jeune frère Théo (qui mourra lui-même quelques mois plus tard des suites de la syphilis) ne relève pas toujours de la grande littérature, mais témoigne de l’extrême lucidité du peintre sur ses états psychiques successifs, de ses soucis matériels, et surtout de la joie qu’il éprouve à peindre les paysages rassurants qui l’entourent – et qui sont, en grande partie, demeurés tels quels.
Les lettres qu’a sélectionnées Lambert Wilson forment un bouleversant portrait, le public de l’église d’Auvers ayant droit de surcroît à des projections des toiles faites à Auvers et décrites par Van Gogh dans ses lettres avec une redoutable précision.
Lambert Wilson ne cherche jamais l’effet, de sa belle voix de baryton il reste au plus près de la simplicité et de la précision de l’écriture de Van Gogh, n’hésitant pas à replacer les lettres de Vincent à son frère dans leur contexte. Ces lectures sont ponctuées d’interventions du piano de Bruno Rigutto. C’est un vrai bonheur que d’entendre ce piano qu’on avait un peu oublié, typique de ce que cette génération de pianistes français (avec Gabriel Tacchino, Jean-Philippe Collard) pouvait et peut encore produire, un son clair et charnu, une musicalité dépouillée de tout sentimentalisme. Dans Satie, cette optique fait merveille : Rigutto joue deux des trois Gnossiennes contemporaines du séjour de Van Gogh à Auvers.