Profondément remanié en 1756 par le compositeur et son librettiste Louis de Cahusac, Zoroastre de Rameau n’avait plus été entendu dans sa version originale depuis sa création à l’Académie royale de musique à Paris en 1749. On félicitera donc Alexis Kossenko (déjà auteur d’une belle réussite dans son récent enregistrement d’Achante et Céphise du même auteur) d’avoir pris l’initiative de cette belle résurrection. Quatre jours après la première exécution à Namur, le chef d’orchestre était accueilli dans la belle Salle bleue du Singel à Anvers, à la tête de sa nouvelle formation qui regroupe son ensemble Les Ambassadeurs et La Grande Écurie (fondée en son temps par le regretté Jean-Claude Malgoire) pour constituer un riche, brillant et sonore orchestre comptant 40 exécutants. Si on y ajoute l’excellent Chœur de chambre de Namur – idéal dans ce répertoire – et une distribution de haut vol, tout était réuni pour une soirée de très haut niveau.
L’auteur anonyme de la notice figurant au programme de cette représentation anversoise voit dans cette tragédie lyrique un opéra initiatique précurseur de La Flûte enchantée (et même de Parsifal), dans le sens où un jeune héros – en l’occurrence Zoroastre – devra triompher des forces du mal et des ténèbres pour pouvoir devenir un prince éclairé guidant un peuple vers un avenir qui ne peut être qu’heureux. La comparaison n’est pas arbitraire car, comme dans les deux œuvres postérieures citées, il est aussi question ici de magie, de temples, de rituels et du difficile affrontement qui verra finalement le bien l'emporter sur le mal.
L’intrigue est assez simple. Elle oppose le couple maléfique formé par Abramane (Grand Prêtre d'Ariman et responsable de l’exil de Zoroastre) et son acolyte Erinice au couple jeune et lumineux que constituent Zoroastre et Amélite. Ceux-ci parviendront à surmonter les épreuves dressées sur leur chemin pour faire triompher la lumière et la justice.
Cette exécution en concert est un enchantement de bout en bout. Si la qualité et l’inventivité de la musique ne cessent de fasciner, l’œuvre a la chance de bénéficier d’une interprétation non seulement irréprochable, mais proprement enthousiasmante. L'orchestre sait se parer de mille couleurs, fait la part belle aux vents (quatre hautbois, quatre bassons, deux flûtes exquises, trompettes et cors naturels – excellents – par deux) et bénéficie en Marie-Ange Petit d’une percussionniste aussi imaginative que virtuose.