Pour ce concert en forme d'hommage à Walter Weller, le chef d'orchestre autrichien décédé cette année et qui devait initialement diriger l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg (OPS) vendredi soir, Marko Letonja, son chef permanent, a souhaité maintenir malgré tout le programme prévu et à en assurer lui-même la direction. Un choix judicieux qui allait donner lieu à un concert de grande qualité, notamment par la présence et le jeu littéralement captivants du soliste de la soirée : le violoniste Daniel Hope.
Le concert commence avec l'élégance et la légèreté souriante de la Symphonie n°66 en Sib Majeur de Joseph Haydn, véritable archétype de la symphonie classique en quatre mouvements (Allegro con brio – Adagio – Menuet – Finale), et qui donne dans son architecture sonore un rôle de tout premier plan aux cordes de l'orchestre. Une fois n'est pas coutume, celles de l'OPS n'en demandaient pas tant pour démontrer la beauté de leur son ainsi que leur parfaite synchronisation, comme si cet ensemble composé d'une quarantaine d'instrumentistes n'en comptait finalement qu'un seul. À voir les regards de complicité entre Charlotte Juillard et Philippe Lindecker, les premiers violons solos de l'orchestre, ainsi que la direction de Marko Letonja, toute en confiance et tranquillité, on se dit qu'il ne peut rien arriver à l'OPS et qu'il est chez Haydn comme s'il était chez lui, dans la douceur du foyer familial.
Puis Daniel Hope fait son entrée pour nous donner sa version du Concerto pour violon n°1 de Max Bruch. Dès le premier arpège de cette œuvre grandiose, on ne peut plus lyrique, le violoniste se distingue par son extrême concentration ainsi que par l'intense expressivité de son jeu : pas une note qui ne soit investie musicalement, pas un geste qui ne soit laissé au hasard, tout concoure à nous laisser captifs de ce musicien au talent exceptionnel. Doué d'une forte présence scénique, à la fois athlétique et généreuse, et d'une technique digitale irréprochable, Daniel Hope séduit aussi par la subtilité de ses nuances piano alors qu'on aurait pu craindre au début que son interprétation, à force d'intensité dramatique, n'en devienne paradoxalement trop démonstrative, trop brute de décoffrage. À ce titre la réexposition du thème principal de l'Allegro Moderato, que le violoniste entame pianissimo subito, comme sortie de nulle part, restera comme le moment de grâce du concert, sorte d'apogée expressive à la limite du silence. Directement enchaîné à l'Allegro suivra l'Adagio, avec sa touchante intériorité, sa beauté triste et consolante en même temps, puis enfin l'Allegro energico, finale détonant et festival de difficultés techniques que Daniel Hope n'aura aucun mal à surmonter, et ce de la plus brillante des manières.