Les Peaky Blinders débarquent à La Seine Musicale ! Directement inspiré de la série éponyme de Steven Knight, diffusée sur la BBC de 2013 à 2022, le spectacle du Ballet Rambert retranscrit magistralement l’atmosphère du Birmingham des années 1920 dominé par les gangsters.

Directeur artistique du Ballet Rambert, plus ancienne compagnie de danse britannique (elle fêtera ses cent ans l’an prochain), Benoît Swan Pouffer a repris l’intrigue de la série et ses personnages principaux. Le spectacle met en scène les frères Shelby, le gang des Peaky Blinders, leur contrebande et leurs paris illégaux, au retour de la Première Guerre mondiale qui les a marqués.
Le spectacle s’ouvre ainsi sur une scène de tranchée – celle-ci est creusée à l’avant-scène au sein d’un promontoire rectangulaire. La scénographie simple et efficace permet de représenter les différents lieux de la série et du spectacle : les usines, le bureau des paris, les rues de Birmingham, le bar des frères Shelby (le Garrison Lane) ou encore une salle de cabaret. On apprécie également les décors bien pensés et aux effets visuels certains : les chevaux de carrousel qui tournent, sur lesquels grimpent les danseurs (qui représentent les chevaux des courses), la façade du Garrison Lane qui brûle, le rideau pailleté qui représente la salle de cabaret. Le Ballet Rambert évolue avec souplesse et facilité dans cet espace qui ne laisse aucun temps mort durant la première partie du spectacle.
Sur une musique live reprenant les morceaux emblématiques de la série, les danseurs livrent une chorégraphie explosive : pirouettes, sauts, bras qui tournoient, passages au sol. Coup de cœur en particulier pour la chorégraphie de groupe sur la musique de Nick Cave and the Bad Seeds, rythmée et déhanchée tout en gardant une certaine retenue. Conor Kerrigan campe un excellent Thomas Shelby, à la gestuelle joliment dessinée. Ses duos avec Naya Lovell qui interprète Grace, sa femme, sont sensuels et musicaux.
Après une première partie flamboyante et spectaculaire, riche en événements, coups de feu, bagarres, place à une deuxième partie beaucoup plus intérieure et sombre. Une voix off guide le spectateur sur le combat qui habite le héros : « Thomas Shelby choisira-t-il la vie ou la mort ? » S’il est tout à fait pertinent et intéressant d’avoir ciblé la descente aux enfers de Thomas Shelby, dévasté par la mort de sa femme, sombrant dans l’opium et obsédé par la vengeance, il est plus difficile de percevoir cette palette d’émotions sans voir le visage du danseur qui est forcément à distance dans l’immense salle de La Seine Musicale. La chorégraphie plus lente et sensible que dans la première partie est intéressante mais peut-être un peu longue, d’autant que la majeure partie de la salle ne pourra pas percevoir la sensibilité et le travail d’acteur.
Dans ce spectacle délicieusement décadent où toute l’énergie du Ballet Rambert se déploie, notons aussi la qualité des lumières savamment travaillées et des nombreux costumes qui contribuent à la vraisemblance historique. L’immersion Peaky Blinders pénètre jusque dans le hall de La Seine Musicale où les spectateurs peuvent choisir leur casquette. Une production séduisante pour les fans de la série qui renouvelle aussi l’image de la danse contemporaine. Loin de se résumer à une danse abstraite intellectualisée, ici la création chorégraphique est mise au service d’une narration et de personnages existants, et c’est une grande réussite !