Jolie entrée en matière, en forme de préambule, pour cette carte blanche au violoncelliste Jean-Guihen Queyras : trois Fantaisies pour cordes du très jeune Purcell, écrites avant que ce dernier ne se tourne vers la formule la plus en vogue – les sonates. Sorte de préhistoire du quatuor, à la polyphonie enthousiaste mais encore partiellement exploitée, ces Fantaisies sont heureusement compensée par un fulgurant sens de la couleur, allant de pair avec la liberté impliquée par la forme même du Fancy. On navigue donc avec une rare joie des larges flots mélancoliques de la Fantaisie en do mineur, d’où émergeront de beaux échanges, notamment entre Daniel Sepec au violon et Tabea Zimmermann à l’alto, au charmant mélange de fugato, d’unissons et d’homophonies de la Fantaisie en sol majeur, avant d’amarrer en terres furieusement bachiennes avant l’heure avec la Fantaisie en ré mineur : comment ne pas penser, alors que le thème s’aventure majestueusement de la tonique à la quinte (ici, certes, dans un mouvement descendant) à l’Art de la Fugue ?
Belle idée également que de demeurer en terres anglaises pour le sublime Quatuor n°3 de Benjamin Britten, aux terrassants accents testamentaires, créé par le Quatuor Amadeus en 1976 deux semaines seulement après la mort du compositeur. Les influences de Bartók, de Chostakovitch, s’y font plus manifestes que jamais, tout comme la volonté de peindre les rives adriatiques de Thomas Mann, dont Britten avait également adapté la nouvelle Mort à Venise en opéra quelques années plus tôt. Tourmenté sans être pourtant âpre, ce quatuor en forme d’arche esquisse, dès ses premiers tiraillements au demi-ton près – alto et violon dessinant une suite de Duets – et ses mélanges de pizzicati et de tenus, des sillages évoquant tout d’abord les petites ondées des canaux vénitiens. La tempête éclatera au fil des mouvements finaux – Burlesque et Recitative and Passacaglia. La nervosité de l’Ostinato, le déchirement du Solo, véritable pièce maîtresse de l’œuvre, magnifiée par l’excellente Antje Weithaas, bouleversent à raison le spectateur.