Les récitals de 18 h 30 à l'Abbaye de Silvacane sont sans entracte, cependant Adam Laloum prend une petite pause après la Waldstein : la Sonate en ut mineur D 958 de Schubert l'attend de pied ferme. Parlons-en de la sonate de Beethoven : fut un temps, on l'appelait « Aurore » et pas du nom de son dédicataire qui sonne comme un coup de trique. Et en ce temps-là, les pianistes la voyaient comme une grande étude de sonorité, quasi orchestrale, dans laquelle le compositeur pousse la résonance de l'instrument à saturation. Mais ils donnaient au début du premier mouvement tout son mystère, en le faisant sourdre comme le soleil se lève dans la brume et ils éclairaient la transition du bref second mouvement au « finale » caracolant avec un art consommé du suspens sonore et expressif. Adam Laloum aux commandes d'un piano plantureux, aux graves puissants, aux médiums directs, dans cette acoustique généreuse joue plutôt « Waldstein » qu' « Aurore » : son ancrage dans le clavier est plus robuste et articulé que fluide et vif-argent. Le voudrait-il, qu'il éprouverait les plus grandes difficultés à y parvenir. Cette sonate aime les pianos aux claviers légers, aux réactions fulgurantes, à la sonorité longue...
On aura préféré la Sonate « Pathétique » qui ouvrait le récital : accents puissants, expression farouche d'un premier mouvement haletant, poésie toute simple du mouvement lent, « finale » conquérant, dramatique, emporté par un pianiste dont la frêle silhouette ne peut faire imaginer la puissance sans aucune dureté qu'il tire de son Steinway de concert.