Grande, mince, souriante, violoncelle et tablette à la main, Anastasia Kobekina pénètre d’un pas décidé vers l’avant de la jolie et intime Chapelle protestante de la Place du Musée de Bruxelles, endroit d’un sobre classicisme à l’acoustique parfaite pour la musique de chambre et qui mériterait d’accueillir davantage de concerts. C’est un programme très original que la jeune musicienne russe a concocté, réunissant dans un récital de près d’une heure et demie donné sans entracte trois suites de Bach séparées par de brèves pièces contemporaines de différents compositeurs dont un très émouvant « Pianissimo », deuxième mouvement de Grāmata čellam de Pēteris Vasks, mais aussi des arrangements pour son instrument de répertoires plus anciens.
C’est ainsi qu’elle ouvre son récital par une version inattendue – dont le programme de salle ne mentionne malheureusement pas l’auteur – de l’antienne O frondens virga de Hildegard von Bingen. Cette adaptation pour violoncelle de cette composition vocale hypnotique utilise toute une gamme d’effets assez inattendus (jeu sur le chevalet, effets percussifs en utilisant les doigts sur le manche ou en frappant l’instrument dans le dos alors que l’archet joue des doubles cordes) qui s’avèrent étrangement convaincants dans cette musique à l’origine si dépouillée.
On passe ensuite aux choses très sérieuses avec la Deuxième Suite de Bach. Ici, comme dans les Première et Troisième Suites qui suivront, on relève énormément de belles choses dans la prestation de la violoncelliste. Certes, en dépit du sonore Stradivarius de 1698 dont elle a la chance de pouvoir disposer, il faut reconnaître qu’Anastasia Kobekina n’a pas la sonorité la plus charmeuse ou la plus onctueuse qui soit. Mais elle aborde ces monuments parfois intimidants de la musique avec un naturel et une spontanéité remarquables. Avec elle, Bach n’est pas un dieu qu’on honore avec respect et même crainte, mais un être de chair et de sang qui nous parle directement. Comme on aime la façon dont l’interprète laisse parler le texte à tout moment et n’en fait jamais trop, comme dans les préludes où elle pare la musique d’une belle intensité juvénile.