L'extrémité de février doit être propice aux rencontres heureuses : nous retrouvons ce soir ceux qui, il y a un presque jour pour jour, nous avaient laissé un excellent souvenir – le compositeur Éric Tanguy, le chef Daniel Harding et l'Orchestre Philharmonique de Radio France. Ils sont rejoints pour l'occasion par Renaud Capuçon.
Comme l'an passé, le concert est d'un format court, d'une heure et quart de musique sans entracte. C'est une formule que le public, où l'on compte de nombreux groupes de jeunes, semble apprécier, et manifestement les œuvres au programme sont pour la plupart une découverte.
C'est évidemment le cas pour la pièce d'Éric Tanguy, fruit d'une commande passée il y a plusieurs années par Radio France et qui débouche ce soir sur une manière de petit chef-d'œuvre : une Ballade pour violon et orchestre. Éric Tanguy n'avait plus écrit pour le violon concertant depuis son Deuxième Concerto créé en 1996 par le regretté Philippe Aïche et l'Orchestre de Paris, puis révisé en 2003. Le compositeur a conçu sa Ballade comme pouvant se marier au Poème de Chausson, et l'a dédiée au pianiste Nicholas Angelich décédé voici bientôt trois ans.
L'œuvre n'excède pas le quart d'heure et se révèle pourtant d'une densité et d'une richesse d'inspiration qui la font d'emblée mémorable. Les explications techniques que la présentatrice s'était crue obligée d'énoncer auront été bien inutiles. En quelques minutes, Éric Tanguy nous empoigne pour ne plus nous lâcher : la narration qu'il confie au violon, et l'espace qu'il dessine autour de lui dans l'orchestre provoquent toutes sortes de sentiments chez l'auditeur. On retrouve cette singularité du compositeur aujourd'hui quinquagénaire, qui se défie des modes, des dogmes, sans renier ses modèles – Dutilleux, Messiaen, Sibelius – et nous livre une musique libre, romantique au sens où Chopin ou Liszt l'entendaient. Comme un costume bien coupé, une robe bien faite, rien n'est de trop, tout est à sa juste place.
Renaud Capuçon, qu'on a souvent entendu et applaudi quand il crée ses contemporains, est intensément concentré et pourtant laisse d'admirables phrases advenir, savoure son dialogue avec un orchestre parfois emporté, toujours transparent, jusqu'à une sorte de cadence absolument admirable et si française de ton. Au milieu de celle-ci, le violon solo de l'orchestre Nathan Mierdl se joint au soliste pour un duo inouï et bouleversant. Un dernier climax à l'orchestre et le violon peut conclure sur de longues tenues des cordes, comme en suspens dans l'atmosphère. Cette Ballade mérite de s'inscrire en lettres d'or au répertoire du violon de notre temps.