S’il est bien un reproche qu’on ne saurait formuler à l’égard de David Grimal, c’est de manquer d’ambition. A l’affût de tous les répertoires, fidèle à une approche démocratique de la musique, aussi accessible à un public varié que tangible pour cette formation découplée et sans chef, expansif sans pour autant céder à l’étalage… Il continue à incarner, dix ans après la création de son ensemble Les Dissonances, une approche à part de cette musique qu’il qualifie plus volontiers de « savante » que de « classique ». Approche qui s’avère, appliquée à la musique de Bach, doublement payante : tout d’abord parce que le maestro Grimal y avance en terrain archi connu ; et ensuite parce que le concertiste sait s’y entourer de musiciens et de solistes plus que prometteurs.
Ouvrir sur le BWV 1060 en do mineur, occasionnel concerto pour deux clavecins, vraisemblablement écrit pour violon et hautbois, dans la plus rare version pour deux violons, laissait deviner un désir de complétude des voix à contre-courant des habituelles lectures des concerti grossi à la Vivaldi – très dialogués et imitatifs, comme pour mieux contraster avec les cadences. En accord avec l’orchestration, véritable consensus entre lecture moderne et baroque du répertoire – sur cordes modernes, en intégrant l’indispensable mais discret clavecin, et en optant pour des Stradivarius datant de l'époque de composition côté solistes – l’interprétation au coude à coude entre le vibrant David Grimal et la plus discrète mais non moins brillante Anna Göckel s’avéra particulièrement émouvante. Sans doute parce qu’unie au professionnalisme, au son travaillé et au lyrisme de Grimal, la jeune Anna Göckel, armée d’une technique stupéfiante, d’une sincérité et d’une modestie non feintes, ajoutait le temps de jolies envolées et ailleurs un contrepoint doté d’une rare fraîcheur. De quoi enrichir la déjà grande palette de timbres et d’expressions jalonnant le dansant allegro, les très beaux échanges de l’adagio et la virtuosité contrapuntique de l’allegro final.