La direction inspirée d’Edward Gardner a donné ce jeudi une superbe homogénéité au programme très spirituel prévu pour cette veille du week-end pascal. L'Auditorium de Lyon, quasi complet, s’est vu offrir l’ « Enchantement du Vendredi saint » extrait de Parsifal, la Cinquième Symphonie de Mendelssohn et le Requiem de Fauré.
Les cors, amenant une exquise matière sonore, ouvrent l’ « Enchantement du Vendredi saint » de Wagner dans un beau crescendo, avant que les cordes ne créent cette délicatesse du mystère pascal qui met fin à l’errance du protagoniste. Le renouveau printanier, sensible après cette éclosion du sacré, se mue à nouveau en inquiétude éphémère, avant une clôture pleine et ronde amenée par la direction.
L’Amen de Dresde constitue la passerelle sonore entre Wagner et Mendelssohn, mais c’est au-delà du motif que Gardner installe un dialogue entre les deux compositeurs. Dans la symphonie dite « Réformation », le son éclot lentement par les renchérissements de pupitre en pupitre, sur l’intervalle de seconde. Les pianissimi des cordes s’opposent aux fanfares des trompettes, encore assez retenues. Mais grâce au caractère dramatique de la suite, le tutti s’anime. Oscillant entre lente marche et méditation poétique, entre tempête et poésie, le premier mouvement s’achève sur un finale dominé par ce crescendo-decrescendo de la timbale. L’Allegro vivace oppose dans la joie les cordes aux bois ; la flûte et les deux hautbois vivent une belle aventure de solistes, relayée par le lyrisme des violoncelles. À l’Andante, au rubato riche en nuances des premiers violons, chanteurs empreints de douleur, répond en délicatesse une flûte élégiaque – et un téléphone insupportable (il y en a un par concert, en ce moment), dont la sonnerie relance dans mon for intérieur le débat sur la légitimité des brouilleurs de communication dans les salles de spectacle… Ein’ feste Burg ist unser Gott, déclame stoïquement la flûte, tel un Luther, suivie par un tutti triomphal dans le Choral de la symphonie, dont l’actuel chef de l’Orchestre philharmonique de Bergen souligne bien les reliefs fugués. Les cuivres se font une fierté joyeuse de réaffirmer le thème avant un éblouissant finale.
La direction élégante et fine de Gardner, dont l’autorité naturelle parle à travers des gestes explicites et efficaces, est tout aussi bien suivie par l’orchestre que par les près de cent choristes qui ont rejoint le plateau pour le Requiem de Fauré. Cette interprétation de la version de 1900 pour soprano, baryton, chœur mixte, orchestre symphonique et orgue est aussi une résurrection. En effet, le majestueux orgue Cavaillé-Coll de l’Auditorium n’est autre que celui qui a réalisé la première exécution officielle de l’œuvre à Paris, dans l’ancienne salle du Trocadéro, dans le cadre de l’Exposition universelle ! Et il s’en sort très bien, guidé par des mains expertes, très attentives aux chanteurs.