ENFRDEES
The classical music website

Lea Desandre et Jupiter à Aix-en-Provence : coup de jeune pour Vivaldi

By , 09 April 2021
C’est un concert dédié entièrement à Antonio Vivaldi que nous offrent Lea Desandre et Jupiter, ensemble de musiciens fondé en 2018 par le luthiste Thomas Dunford. Avec ses trois ans d’âge, on est d’emblée impressionné par ce collectif de sept instrumentistes sur scène, en constante harmonie et parfaite synchronisation, qui forment un tissu orchestral d’une richesse et une densité telles que l’auditeur n’a aucune envie ce soir d’entendre une phalange en plus grand nombre.

Le programme alterne entre des airs doux et d’autres plus agités, arie da capo pour la plupart, extraits de différents opéras, de l’oratorio Juditha triumphans, de la cantate Nisi Dominus, tandis que trois concertos – deux pour luth puis un pour violoncelle – s’intercalent afin de ménager les nécessaires temps de respiration et récupération pour la mezzo franco-italienne. Les airs successifs demandent en effet des qualités diverses, cela commence par une maîtrise du souffle, un legato qui se déploie avec application dans l’émouvant « Vedro con mio diletto », grand air d’Anastasio provenant du Giustino. Le contraste est évident dans les cadences de « Armatae face et anguibus » de Juditha triumphans qui suivent, un air de fureur où les « furie, furie » explosent dans la bouche de Lea Desandre, capable d’abattage dans ses vocalises et qui sonne avec davantage de puissance dans sa partie aigüe que dans le registre grave. Le lent passage « Cum dederit dilectis suis » du Nisi Dominus ménage un subtil équilibre ensuite entre musiciens et soliste vocale, puis c’est le retour d’une Juditha triumphans complètement apaisée cette fois dans « Veni, veni me sequere fida », une sorte de calme avant la tempête, en préalable à la séduction puis la décapitation d’Holopherne. La voix aérienne et voletante de la mezzo dialogue alors agréablement avec le premier violon de Théotime Langlois de Swarte, magnifique de précision et de poésie.

Le long air et doloriste à l’extrême « Gelido in ogni vena » tiré du Farnace est pour nous le sommet de la soirée, les musiciens parviennent à réduire le son en un minuscule souffle et la voix se meurt presque par instants. Les reprises sont différemment colorées par la mezzo-soprano, accompagnées de petites variations également, et on admire le savant dosage du volume des instruments qui enfle et diminue tour à tour. L’OlimpiadeMentre dormi, amor fomenti ») installe aussi une reposante atmosphère élégiaque, alors que côté déchaînement, Lea Desandre déroule ses traits d’agilité avec fluidité dans Ottone in villa (« Gelosia, tu già rendi l'alma mia »). La conclusion est en forme de feu d’artifice avec « Agitata da due venti » de la Griselda, une suite presque ininterrompue de vocalises qui exigent un suprême abattage et une bonne endurance aussi.

Les deux concertos pour luth (successivement en do majeur, RV 82 et en ré majeur, RV 93) dévoilent une musique simple, élégante, où l’on perçoit très distinctement les notes de chaque instrument, évidemment le maestro luthiste Thomas Dunford mais aussi le clavecin de Violaine Cochard, toujours à l’écoute de ses partenaires. La troisième pièce instrumentale est le Concerto en sol mineur RV 416 pour le violoncelle de Bruno Philippe, virtuose, véloce et expressif.

Les artistes donnent deux bis, deux morceaux aussi entendus quelques jours auparavant au Festival de Pâques lors du concert des Arts Florissants, en présence entre autres de Lea Desandre et Thomas Dunford. Il s’agit de deux compositions de ce dernier, co-écrites avec Douglas Balliett, d’abord « That’s so you » puis « We are the ocean, each one a drop ». Deux chansons, dans une atmosphère jazzy par instants, qui conviennent fort bien à cette petite orchestration baroque, comme pour raccrocher Vivaldi à notre XXIe siècle.

****1
About our star ratings
See full listing
“ce collectif de sept instrumentistes sur scène, en constante harmonie et parfaite synchronisation”
Reviewed at Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence on 8 April 2021
Vivaldi, Il Giustino, RV 717: Vedrò con mio diletto
Vivaldi, Juditha triumphans, RV 644: Armatae face et anguibus
Vivaldi, Trio Sonata for violin and lute in C major, RV 82
Vivaldi, Nisi Dominus, RV 608: Cum dederit dilectis suis
Vivaldi, Juditha triumphans, RV 644: Veni, me sequere fida
Vivaldi, Concerto for lute and 2 violins in D major, RV 93
Vivaldi, Farnace, RV 711: Gelido in ogni vena
Vivaldi, Ottone in villa, RV 729: Gelosia, tu già rendi l'alma mia
Vivaldi, Cello Concerto in G minor, RV 416
Vivaldi, L'Olimpiade, RV 725: Mentre dormi amor
Vivaldi, Griselda, RV 718: Agitata da due venti
Lea Desandre, Mezzo-soprano
Ensemble Jupiter
Thomas Dunford, Theorbo
Théotime Langlois de Swarte, Violin
Bruno Philippe, Cello
Violaine Cochard, Harpsichord
L'art de la sprezzatura, par Lea Desandre et Jupiter à Lucerne
****1
L’Ensemble Jupiter et Lea Desandre enflamment Ambronay
*****
Hotel Metamorphosis: Vivaldi reborn through Ovid's lens in Salzburg
****1
Une Folle journée: Mozart-Da Ponte pasticcio at the Whitsun Festival
****1
Sidi Larbi Cherkaoui presents Idomeneo as a confused ballet in Geneva
**111
High on Cherubino: Kušej’s drugged-up Figaro in Salzburg
***11
More reviews...