Quel meilleur remède en ces temps difficiles que de rire aux dépens d’un personnage rocambolesque ? Pari réussi pour la mise en scène extravagante de Jean-Louis Grinda, qui nous montre une fois de plus à quel point Verdi peut être populaire et moderne. En ce dimanche après-midi, un parfum d’euphorie se fait sentir chez les nombreux spectateurs présents devant l’Opéra de Monte-Carlo. Sans doute savent-ils déjà qu’ils s’apprêtent à assister à une parenthèse hilarante doublée d’une remarquable performance vocale des acteurs.
Falstaff endosse une place unique dans l’œuvre de Verdi. En effet, en plus d’être son dernier opéra, celui-ci fait partie des deux seules comédies composées par le maître. Ainsi, comme le compositeur l'explique dans une lettre à son librettiste Boito, après avoir « sans trêve massacré tant de héros et d’héroïnes », son Falstaff apparaît comme un appel à « rire un peu ». L’intrigue est bien connue : le cocasse Sir John Falstaff, séducteur dans l’âme, se retrouve piégé par deux femmes qu’il a auparavant tenté d’escroquer. Traversant quelques grotesques aventures, notre héros finit par se repentir autour d’un faramineux banquet.
L’originalité de cette représentation repose sur une mise en scène fantasque, a priori bien éloignée de l’esprit de Verdi. Dès le lever de rideau, on découvre le surprenant décor pensé par Rudy Sabounghi : une devanture de bibliothèque constituée de livres géants. Animés, les ouvrages servent, à travers leur thématique, à caractériser les différents espaces de l’action : ainsi la taverne est-elle efficacement représentée par un fascicule sur la bière. Dans cette joyeuse librairie évoluent des personnages identifiés à des animaux de basse-cour. On retrouve les fiers Falstaff, Fenton et Ford déguisés en coqs, les acolytes Bardolfo et Pistola en chats, le docteur Caius en bouc et les coquettes en poules. En singularisant chaque protagoniste par le biais de l’allégorie, Jean-Louis Grinda apporte une lecture plus psychologique de l’œuvre.