Régulièrement invité au Festival de La Chaise-Dieu, Paul McCreesh revient avec l’évocation d’un Haendel de vingt-deux ans lancé à la conquête d’une Rome tout entière séduite par le fameux Corelli. Le programme va tisser des liens entre le contrepoint maniériste de Rossi, évoqué par les chromatismes brûlants d’une toccata introductive à l’orgue de l’abbatiale Saint-Robert, la rhétorique passionnée de la musique religieuse de la Contre-Réforme et les illusions acoustiques du magicien Corelli. Le public fidèle et nombreux est venu accueillir un chef sans doute plus populaire en France que dans son propre pays.
McCreesh livre d’abord l’orchestre à la direction conjointe de Catherine Martin et Olivier Webber (violons) pour un Concerto grosso de Corelli traité avec un certain flegme… britannique. Volutes ornementales musclées et surprises rythmiques sonnent efficacement sans trop creuser les questions de style. On ne trouvera là ni la sensualité ni la variété de timbres à laquelle les ensembles italiens nous ont habitués.
La cantate Donna, Che in ciel dédiée à la Vierge commémore le tremblement de terre qui épargna le Saint-Siège en 1703 tout en faisant disparaitre au passage quelques milliers d’âmes. L’incarnation brûlante de la mezzo-soprano Ann Hallenberg détaille admirablement la piété sentimentaliste de l'ouvrage haendelien, la voix semble plus claire qu’à l’accoutumée, ce qui enrichit une palette de timbres déjà captivante. La puissance du verbe magnifiée par une prononciation superbe devient le socle d’une théâtralité prenante.
Face à cet engagement remarquable, McCreesh semble moins convaincu par les possibilités expressives de l’écriture. L’orchestre prend quelque distance en amollissant la fraîcheur incandescente du propos et les coups de génie du jeune compositeur. Les arias confortablement scandées paraissent indifférentes à l’urgence de la phrase ; la fusion entre chant et orchestre ne se produira pas ce soir.