Lahav Shani... pas même la trentaine et déjà touche-à-tout ! D’aucuns auront été étonnés par la mise en regard, plus ou moins heureuse, de Bernstein avec Chostakovitch. La question mérite d’être posée : à quelle fin, en l’occurrence ? Un concert qui fait néanmoins éprouver les renversantes sonorités qu’on peut extraire du Philhar’, dans ces moments où on le place face à un chef et à un répertoire audacieux.
Il y a dans ces Danses Symphoniques, arrangement orchestral du West Side Story de Bernstein, une séduction immédiate par le timbre, par la forte rythmicité. Certains puristes se méfieront de ce pot-pourri stylistique où lyrisme Hollywoodien, big band et rythmes afro-américains se donnent gentiment la main, émaillant une écriture rythmiquement des plus complexes. Mais l’œuvre est si brillamment écrite, que son audition dissipera assez vite toute réticence d’ordre purement formel. Il en sera de même pour la version qu’en a donné vendredi dernier le Philhar’, dont les percussionnistes ont été mis à rude épreuve ; d’autant que la simple vue de ces messieurs en queue-de-pie, si tatillons dans la manœuvre de leur caisse claire, mais entraînant l’orchestre à travers les rues de Manhattan, est un régal en soi.
Malheureusement, l’alchimie ne prend pas vraiment sur le Prologue. Malgré une battue enflammée, aux grands gestes latéraux, le swing de Lahav Shani n’a pas le chic et le charme d’un authentique chabada américain. Son Mambo a quelque-chose d’étonnamment martial. Enfin, l’on croyait que l’acoustique de l’Auditorium pouvait convenir à cette musique drue et anguleuse ; ce n’est vrai qu’à moitié. L’éclat aveuglant des cuivres et du pupitre de percussion n’autorise qu’une écoute prudente : c'est le paradoxe de ces lieux qui ont une acoustique presque trop généreuse. Saluons au passage le pupitre de contrebasse, toujours aussi investi et inventif.
On ne peut pas vraiment dire que Lahav Shani dirige le Concerto N°2 du piano, plutôt que pianiste et orchestre se sont momentanément passés de chef. Mais cela fonctionne, et c'est le moins qu'on puisse dire. Techniquement, le jeu de Lahav Shani est déjà très abouti, personnel. La marque de son style tient notamment à sa manière de phraser différemment main droite et main gauche lors des mouvements parallèles (si fréquents dans Chostakovitch) : l’une plus percussive, l’autre plus ample et chantante.