La Fondation Louis Vuitton a le don de repérer avec un rare discernement les pianistes les plus prometteurs de la jeune génération, pour certains encore inconnus en France. C’est le cas de l'Anglais Martin James Bartlett, âgé de tout juste 23 ans, qui nous propose un programme varié montrant les multiples facettes d'un talent qui a déjà atteint une maturité et une maîtrise redoutables.
Dans Ich rue zu dir, Herr Jesu Christ, aucune surenchère dans l'expression ni aucun maniérisme, le pianiste adopte une attitude presque effacée pour transmettre avec la plus grande simplicité possible une foi modeste et profonde. De même, dans Jésus que ma joie demeure, la sérénité n’est entravée d’aucun maniérisme, rien n’est forcé ni artificiel, la joie et la lumière sont révélées par l’économie des moyens mis en œuvre. Cette sincérité et cette modestie quant aux effets employés, on les retrouvera tout au long du concert, même au milieu des pages les plus romantiques.
Avec la Sonate K.322 de Mozart, place au jeu. L'« Allegro assai » est remarquable par la vivacité des traits, et un entrain irrésistible se dégage en même temps qu’une fraîcheur visible jusque dans le regard furtif, malicieux, toujours éveillé de Bartlett qui respire le bonheur de jouer. Chaque phrase, chaque élan s'incarnent sur son visage et dans son attitude, expressifs mais jamais d’une façon ostentatoire. Le toucher est d’une grande clarté, servi par un équilibre dans les dynamiques qui lui permet d'instaurer des surprises tout en assurant la continuité de l’expression.
Ce qui constitue la plus grande qualité de Bartlett, c’est son art du chant. Dans Widmung de Schumann et Liebestraum de Liszt, l’attention à la mélodie est constante : le pianiste étire et galbe la phrase avec toujours une conscience claire de sa source et de son devenir. Véritable poète du clavier, la finesse de la sensibilité et la justesse des inflexions lui permettent d’exprimer une palette de teintes d’une grande subtilité et d’une beauté bouleversante. Le Sonnet de Pétrarque n° 104 est plein d’un lyrisme qui s’empare de l’auditeur sans lui laisser de répit.