Les Variations Symphoniques et la Burleske, dîtes-vous ? Courons sans plus tarder au concert, le programme, rarement joué, en vaut à lui seul la peine, et c’est sans compter sur des interprètes d’exception ! C’est que le répertoire du piano concertant, plus encore que le répertoire solo, tourne bien souvent autour d’une poignée seule de concertos, œuvres phares consacrées par leur qualité, leur réputation, et par le public venu nombreux les acclamer, mais rares sont les pianistes et les orchestres qui osent les chemins de traverse en se frottant à un répertoire moins fréquenté. Le pianiste Francesco Piemontesi se fera l’avocat éloquent de ces deux œuvres qu’il défendra avec brio. En seconde partie, l’Orchestre National de France dirigé par Emmanuel Krivine interprètera un programme français, anniversaire oblige des 100 ans de la mort de Debussy.
Les Variations Symphoniques, bien que peu jouées, du fait principalement de leur caractère peu démonstratif, ne sont pas pour autant une rareté, et lorsque le piano entre en scène, c’est tout un monde qui semble refaire surface du fond d’une mémoire oubliée, que le temps a laissé intacte. Comme une impression de réminiscence… C’est que ce thème n’est pas de ceux que l’on chantonne sous la douche, mais de ceux qui restent enfouis, poignants et pieux. Le jeu de Francesco Piemontesi est plein de recueillement, avec des sonorités en demi-teintes magnifiques par leur pudeur. Pas d’angle ici, mais des lignes arrondies. L’effacement résigné des fins de phrases va de pair avec une expression qui reste toujours humble et retenue. Dans le dialogue avec l’orchestre, le pianiste semble renfermé dans sa solitude, l’orchestre dessinant un autre plan mental, avec des sonorités feutrées et mystérieuses, mais jamais hésitantes. La troisième partie, plus enjouée, rompt avec l’atmosphère recueillie des deux premières. La mise en place avec l’orchestre n’est plus aussi impeccable, avec notamment des timbales en retard sur le reste des musiciens.
Si les Variations Symphoniques de Franck, emplies de recueillement, sondent les profondeurs du monde intérieur, la Burleske de Strauss se déploie ostensiblement sans retenue vers l’extérieur, en un feu d’artifice virtuose. Les déflagrations en octaves du piano font exploser la musique dans un élan d’alacrité contagieuse, pour aboutir à un lyrisme à fleur de peau. L’œuvre est pleine d’autodérision, et sa gestion par Francesco Piemontesi et Emmanuel Krivine reflète une excellente compréhension de la pièce. La démonstration de virtuosité devient peu à peu le masque du tragique, à la manière de La Valse de Ravel, jusqu’à ce que les notes graves et terribles des timbales viennent contraster avec les arpèges secrets et mystérieux du piano, créant un effet saisissant. Sans doute la virtuosité du pianiste n’a-t-elle pas ce naturel désinvolte et spontané qui pourrait donner l’impression de facilité, mais elle reste solide, et à même de traduire la vision dramatique, presque narrative qui est la sienne. Œuvre de l’exubérance et de la décadence, la Burleske de Strauss mérite indéniablement d’être programmée plus souvent dans les salles de concert.