Avec Arvo Pärt en tête d'affiche de ce concert dédié à la musique de chambre post-1950, on s'attendait à une sanctification du maître estonien. Mais Fratres et Summa, les deux pièces jouées cette après-midi nous ont plutôt laissé sur notre faim. C'est finalement une interprétation très réussie du huitième quatuor de Chostakovitch qui remportera la plus franche adhésion du public.
Le concert débute par Fratres. Cette œuvre, aux accents de plain-chant grégorien, qui tient également des quatuors de Britten, semble accompagner un départ, peut-être un exil. Mais le calme pur qui l'enveloppe dément toute volonté de résistance. On sent une avancée par paliers, comme des variations, sans toutefois noter de véritable progression. Ce genre d’œuvres, euphonie à l'état pur, doit jouir d'une grande précision technique dans l'exécution, au risque de paraître creux aux côtés de la profusion d'un Ligeti ou d'un Chostakovitch. Seulement, c'est là que ça cloche. Si certaines textures légères sont bien reproduites, un manque assez évident de cette perfection plastique seyant aux œuvres minimalistes empêchent l'adhésion. Une très longue tenue de quinte en particulier, supposée sonner comme un acouphène, est gênée par des tremblements involontaires de l'archet. Mais malgré ces manquements, Fratres n'en demeure pas moins une expérience temporelle surprenante : difficile de deviner la durée approximative de l’œuvre sans se fier au programme.
Très vite arrive « Métamorphoses nocturnes », alias le premier quatuor de Ligeti, couronnant sa période hongroise. Longtemps reniée par ce dernier - sans doute pour sa flagrante parenté avec le quatrième quatuor Bartók –, c'est pourtant une œuvre de portée orchestrale. La profusion d'intervalles de seconde engendre multitude de clusters, offrant à l'oreille des sensations remarquablement sauvages. Malheureusement, c'est aussi dans ce quatuor que les défauts de cohésion se font le plus cruellement ressentir, sentiment sans doute exacerbé à la vue des fréquents échanges de place entre premier et deuxième violon, tout au long du concert. La structure macroscopique du tout reste assez floue, et ce, malgré de très belles sonorités. Ainsi, le processus d'élévation qui traverse l'Allegro liminaire pâtit de volutes un peu molles, de même que les apostrophes du premier violon gagneraient à être plus habitées. Le Vivace est très précipité, trop peu primitif... Choisissant le parti de la vitesse, sans doute au détriment de la précision, les musiciens se brûlent les ailes dans le Presto et quelques tournants mal négociés se font entendre. Un peu plus loin, le Tempo di valse, d'humeur pompette, provoqueront le sourire au sein du public. On retient néanmoins de l'aventure un riche potentiel dynamique, qui demande à être mieux valorisé.